VALPROATE (Dépakine), VALPROMIDE (Dépamide), DIVALPROATE DE SODIUM (Dépakote)
Le métabolite actif de ces trois médicaments est le VALPROATE (La molécule de Diivalproate de sodium est composée d’une molécule de valproate de sodium et d’une molécule de valproate. Le Valpromide se transforme en Valproate).
Le VALPROATE a des vertus anti-épileptiques et régulatrices de l’humeur. Il a été découvert à Grenoble en 1960.
Il constitue une ressource majeure du traitement des Troubles Bipolaires (voir Démarche thérapeutique des Troubles Bipolaires). Il est indiqué quand le Lithium n’est pas assez efficace (éventuellement en association avec le Lithium) ou expose à des effets indésirables trop gênants.
Sa gestion correcte suppose de bien connaître les éventuels effets secondaires principaux.
Il peut (rarement) provoquer :
• Nausées, douleurs abdominales ; ulcérations buccales
• Diminution des plaquettes (risque hémorragique ; contre-indication en cas de maladie de la coagulation comme le déficit en facteur de Von Willebrand, dont un des rôle est d’activer les plaquettes), diminution des globules blancs (risque d’infection : faire une prise de sang en cas d’angine ou autre infection anormalement sévère), et de globules rouges (anémie).
• Troubles hépatiques : en cas de fatigue intense, envie de se gratter (prurit), perte d’appétit, coloration jaune de la peau ou du blanc des yeux, décoloration des selles, vomissements, douleurs abdominales, consulter un médecin pour être examiné et faire un bilan biologique. Les troubles hépatiques surviennent surtout pendant les six premiers mois. Ce risque augmente avec la consommation d’alcool et avec certains médicaments comme l’aspirine.
NB : Ces trois effets secondaires, ainsi que les malformations des fœtus (voir plus bas), sont liés à l’effet « anti-folique » du VALPROATE. L’acide folique, ou Vitamine B9, se transforme en une enzyme (tétra-hydro-folate réducatse) qui est nécessaire à la formation des bases qui constituent l’ADN. L’effet anti-folique est le mécanisme d’action de certains médicaments anti-cancéreux (comme le Méthotrexate), ce qui bloque la prolifération cellulaire, avec les même effets secondaires ci-dessus, mais beaucoup plus fréquents. La plupart des anti-épileptiques partagent cet effet (comme le TÉGRÉTOL (Carbamazépine), le TRILEPTAL (Oxcarbazépine) et dans une moindre mesure le LAMICTAL (Lamotrigine)). La prescription de Méthotrexate doit s’accompagner de prise de Vitamine B9 (Acide folique). Il paraît logique, avec le VALPROATE et autres anti-épileptiques, de vérifier le taux sanguin de Folates et de prendre une supplémentation pour être sûr de ne pas en manquer (ce qui est fréquent, par manque de consommation de légumes verts, première source de vitamine B9) et prévenir au mieux ces effets secondaires.
• Diminution de la synthèse hépatique du Fibrinogène, essentiel à la coagulation. En cas d’hématomes ou de saignements, il faut faire une prise de sang, pour vérifier le fibrinogène et les plaquettes.
• Troubles pancréatiques : en cas de douleur abdominale brutale (« en coup de poignard »), consulter un médecin en urgence pour être examiné et faire un bilan biologique.
=> Pratiquer un contrôle biologique des fonctions hépatiques avant le début du traitement puis une surveillance périodique pendant les 6 premiers mois, tout spécialement chez les patients à risque.
Un examen hématologique (NFS incluant les plaquettes, temps de saignement et bilan de coagulation) est recommandé préalablement au traitement, puis à 15 jours et en fin de traitement, ainsi qu’avant une intervention chirurgicale et en cas d’hématomes ou de saignements spontanés
• Troubles hormonaux, notamment Syndrome des Ovaires Polykystiques (dérèglement hormonal qui se traduit par une production excessive d’androgènes, ce qui expose la femme à un hirsutisme, de l’acné, une chute des cheveux, une infertilité, des troubles métaboliques (diabète, hypertension artérielle, avec une élévation du risque de maladies cardio-vasculaires).
• Chute des cheveux, indépendante du Syndrome des Ovaires Polykystiques.
• Perte d’acuité auditive : D’installation progressive, cet effet secondaire est souvent méconnu ou attribué à l’âge. Il faut penser à signaler toute diminution d’audition, même minime et penser à indiquer la prise de Valproate.
Pour prévenir cet effet, il faut :
- Prescrire la dose minimale efficace
- Prescrire des doses faibles chez les personnes âgées et les personnes souffrant d’insuffisance rénale
- Éviter les associations avec d’autres médicaments comportant, eux aussi, le risque de diminuer l’audition :
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens
- Sildénafil (Viagra), Tadalafil (Cialis), Vardénafil (Lévitra)) exposent dès la première prise à des surdités brutales, partielles ou totales, le plus souvent unilatérales et irréversibles, parfois accompagnées d’acouphènes et de vertiges.
- Certains antibiotiques (Aminosides, macrolides, cyclines, vancomycine, des antifongiques, d’autres anti-infectieux
- Diurétiques de l’anse (Furosémide (Lasilix), Bumétanide (Burinex))
- Énalapril (Rénitec)
- Des anti-arythmiques
- Isotrétinoïde (Acnetrait, Contracné, Curacné, Procuta, Roaccutane) (médicaments qui, par ailleurs, peuvent donner des dépressions et des idées suicidaires)
- etc.
(Source : Prescrire, Pertes d’audition d’origine médicamenteuse, T 34, n° 368, p.428-435, juin 2014)
• Prise de poids : voir fiche « Éviter la prise de poids »
• Comme tous les antiépileptiques, le Valproate est suspecté de pouvoir, exceptionnellement, augmenter le risque suicidaire.
• Syndrome confusionnel
D’autres types d’effets secondaires peuvent apparaître rarement. Toute anomalie, aussi « bizarre » qu’elle puisse sembler doit être signalée au médecin.
* Le Valproate ne semble pas diminuer l’efficacité d’une contraception hormonale, mais l’éthinylœstradiol diminue les concentrations plasmatiques et les effets du Valproate. (Prescrire, juin 2018, p.446).
Son taux sanguin, et donc son efficacité est également diminuée par le Millepertuis, des antibiotiques du groupe des Carbapénèmes (Prescrire, avril 2022, p.268).
* L’absorption de boissons alcoolisées pendant le traitement est fortement déconseillée.
* L’excrétion du Valproate est essentiellement urinaire, en partie sous forme de corps cétoniques ; la recherche de cétonurie peut donner des faux positifs chez les patients diabétiques (chez qui cette recherche permet normalement d’identifier les patients dont le diabète n’est pas équilibré et qui risquent d’évoluer vers l’acide-cétose, avec risque létal).
Le Valproate est tératogène (il peut provoquer des malformations chez l’enfant). Il est contre-indiqué en cas de grossesse et doit être utilisé chez la femme en âge de procréer uniquement quand il n’y a pas d’alternative thérapeutique et sous contraception efficace.
10 % des enfants nés de mères traitées par Valproate pendant la grossesse présentent des malformations, contre 2 % à 3 % des enfants dans la population générale. Les malformations incluent le spina bifida (malformation osseuse de la colonne vertébrale), des malformations de la face, de la lèvre supérieure et du palais, du crâne, du cœur, des reins, des voies urinaires et des organes génitaux, ainsi que des membres.
On estime que jusqu’à 30% à 40% des enfants d’âge préscolaire dont les mères ont pris du Valproate pendant la grossesse présentent des troubles du développement (intellectuel, moteur et comportemental) dans leur petite enfance. Les enfants concernés marchent et/ou parlent plus tardivement et/ou ont des capacités intellectuelles plus faibles que les autres enfants et/ou ont des difficultés de langage et de mémoire.
Les troubles du spectre autistique et l’autisme infantile sont plus souvent diagnostiqués chez les enfants exposés au Valproate durant la grossesse. Des données limitées à ce jour indiquent que les enfants sont plus susceptibles de développer des symptômes du trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) (ANSM).
Ces données sont connues depuis le début des années 1980. La première publication a été faite par une équipe française dans The Lancet en 1982 (Garnier R, Boudignat O, Fournier PE, 1982 Jul 10;2(8289):97 ; doi: 10.1016/s0140-6736(82)91713-5). Madame Marine Marin, en 2009, fait le lien entre son traitement par Valproate pour son épilepsie et les handicaps de son premier puis de son deuxième enfant Elle crée l’Association d’aide aux Parents d’Enfants Souffrant du Syndrome de l’Anticonvulsivant (Apesac). Les mesures prises par le Ministère de la Santé pour éviter la prescription aux femmes enceintes datent de 2016. Depuis le 30 juin 2018, ces médicaments sont interdits chez les patientes atteintes d’épilepsie ou de maladie bipolaire enceintes ou en âge de procréer, sauf exception (chez une patiente qui n’est pas enceinte, si le Valproate est la seule alternative thérapeutique possible et le Plan de prévention de la grossesse scrupuleusement respecté). Chaque patiente doit signer un FORMULAIRE VALPROATE, lire la BROCHURE D’INFORMATION et avoir une CARTE DE PATIENT.
L’Apesac recueille les données sur les effets tératogènes du Valproate. Depuis quelques années, elle alerte sur des effets sur la deuxième génération, c’est-à-dire sur les petits-enfants des femmes ayant pris du Valproate pendant leur grossesse. « Chez les 187 enfants de parents exposés in utero à l’acide Valproïque, il est observé des malformations et/ou des troubles neuro-développementaux dans plus de la moitié des cas et en particulier 6 cas de spina bifida alors que la prévalence est estimée en France entre 1,3 et 1,6/100 000. » (in Prescrire juin 2022, p.474). Ces phénomènes dramatiques sont en accord avec les actions connues du Valproate qui interfère avec l’épigénétique, la régulation de l’expression de gènes (en inhibant l’histone désacéthylase, il induit une hyperacéthylation des histones ; il provoque aussi une méthylation des histones et de l’ADN). Une équipe de l’Inserm a été mandatée pour étudier ce risque.
La prise de Valproate nécessite impérativement de suivre précisément les modalités du traitement contraceptif, notamment de bien savoir comment gérer d’éventuels oublis de pilule : voir ici.