Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA)
Définition, caractéristiques
Le DSM V a unifié toutes les formes d’autisme autour de deux dimensions (voir ICI) :
- A) Déficits persistants dans la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés
- B) Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités
La sévérité est classée en trois niveaux : 1 : « nécessitant de l’aide » ; 2 : « nécessitant une aide importante » ; 3 « nécessitant une aide très importante »
Le TSA toucherait 1 pour cent de la population. 33% des personnes avec autismes ont une déficience intellectuelle. La fréquence de l’autisme est en augmentation (la part de cette augmentation revenant à une meilleure définition de l’autisme, un meilleur dépistage et des facteurs favorisant l’émergence de l’autisme n’est pas encore bien définie).
Le TSA appelé dans le passé » Syndrome d’Asperger » correspondrait à un TSA de Haut niveau de fonctionnement social, avec un QI normal ou supérieur, sans troubles du langage, habituellement de sévérité de niveau 1 selon le DSM V. Ce terme, bien que ne figurant plus dans le DSM, reste souvent utilisé en pratique.
Il est important de comprendre que l’essence de l’autisme réside dans un fonctionnement neurologique atypique des sensations, des perceptions, de la cognition, et des émotions. Les caractéristiques décrites par le DSM et la CIM (Classification Internationale des Maladies), pour la plupart, sont des comportements qui apparaissent en réaction à un environnement inadéquat pour la personne autiste. Dans un environnement « idéal » (sans sur-stimulations, calme, permettant de ne faire qu’une seule chose à la fois et à l’écoute des particularités de chacun), ces caractéristiques n’apparaîtraient pas ou ne seraient pas définies comme des problèmes.
Pour mieux comprendre l’autisme, il convient plutôt d’essayer de comprendre le plus précisément possible ces fonctionnements neurologiques atypiques.
Il n’existe pas de théorie unifiée des fonctionnements neuro-biologiques autistiques et la recherche se poursuit. Cependant, il est, malgré tout, possible de dégager des points de repère neuro-biologiques suffisamment fiables pour éclairer les particularités du fonctionnement autistique (celles-ci seront précédées d’une flèche au fil de la présentation). Bien évidemment, toutes les personnes avec autisme ne sont pas concernées par l’ensemble de ces neuro-atypies et par leurs conséquences. Certains personnes ont des traits Asperger sans avoir un Trouble Asperger complet. Quelle que soit la forme de TSA Asperger, il est très important de bien connaître les neuro-atypies pour bien gérer le trouble et à s’y adapter au mieux.
Sensations et perceptions
Difficulté à sélectionner les informations
Le cerveau « classique » sélectionne des perceptions en fonction de l’utilité du moment, éclairé par la mémoire qui lui indique ce qui est utile ici et maintenant. Il laisse de côté les nombreuses perceptions qui surviennent mais sont inutiles.
Le cerveau des personnes avec autisme prend en compte toutes les informations. Il existe différentes théories sur les aptitudes visuo-spatiales chez les personnes avec autisme (Kumar 2013) mais on peut retenir que:
- leurs aptitudes visuo-spatiales sont supérieures à la moyenne pour prendre en compte tous les détails, voir par exemple les différentes composantes d’un dessin
- mais inférieures à la moyenne pour articuler d’emblée les informations en une vision globale, unifiée (Ula Frith 2006, théorie de la « faible cohérence centrale))
—> Difficultés à discriminer les stimuli utiles des stimuli inutiles. Le cas le plus fréquent est ne pas arriver à ignorer les bruits de fond (autres conversations au loin, musique d’ambiance, etc.).
—> Perception fragmentée de la réalité
=> Besoin de contrôler l’environnement par des routines. Un petit changement dans la routine est perçu comme un changement de l’ensemble de la routine et peut être très déstabilisant, parfois plus que de devoir s’adapter à un changement plus important.
=>Prendre un repère unique comme référence pour reconnaître une personne (p.ex sa coupe de cheveux), avec la difficulté subséquente à la reconnaître si cette caractéristique change. Avoir l’impression que, une fois maquillée, sa femme est quelqu’un d’autre.
=> Difficulté à comprendre le langage non verbal (représentation du visage et du corps de l’autre de l’autre comme « en morceaux ») (Voir infra « Théorie de l’esprit »)
=> Dyspraxies : difficultés à situer son corps dans l’espace, à savoir rapidement et « intuitivement » comment réaliser certains gestes, à coordonner ses mouvements, à réaliser de manière automatique certains mouvements. Le sujet doit contrôler volontairement ses gestes et construire consciemment toutes ses actions
=> Perception différée, dans la vie quotidienne pratique, car il faut du temps pour reconstituer une image globale. Ce qui est intuitif pour les neuro-typiques doit être reconstruit par les personnes avec TSA. Besoin de temps pour comprendre une consigne verbale (la personne avec TSA peut alors sembler impassible, « ailleurs », non intéressée par ce qu’on lui dit ou ce qu’on lui demande alors qu’en réalité elle s’efforce de reconstruire ce qu’on lui demande. Dans ces cas là, il faut respecter ce temps et ce silence ; si l’on répète la consigne ou si l’on donne de nouveaux éléments, cela peut être vécu comme des changements qui nécessitent de reprendre au début l’élaboration de la compréhension
—> Face à une question pratique, toutes les manière d’y répondre peuvent venir à l’esprit en même temps, avec une difficulté à discerner rapidement l’option la plus pertinente ou celle qui est attendue. Ceci crée une lenteur, voire des réponses inadéquates si la personne n’a pas le temps nécessaire pour « trier » toutes ces options. Elle peut donner l’impression d’avoir du mal à comprendre comment traiter la question en cause.
—> Surcharge mentale, épuisement ; besoin de s’isoler ; risque de shut down, melt down et Burn Out (voir infra).
Persistance des sensations
Le cerveau « classique » oublie les sensations une fois le stimulus disparu.
Ce n’est pas le cas du cerveau des personnes avec autisme. La sensation persiste longtemps après la perception du stimulus. –> Ceci explique la gène parfois ressentie pendant des heures ou toute la journée par le contact normal d’un vêtement sur la peau.
Hypo ou Hyper-sensibilité
Les personnes avec autisme peuvent être hyper-sensibles ou hypo-sensibles à certaines sensations (par exemple, être hyper-sensible aux bruits ou aimer les bruits forts). La même personne peut être hypo-sensible à certains stimuli et hyper-sensibles à d’autres, parfois dans la même catégorie de stimuli (ne pas supporter telle fréquence sonore agréable à d’autres personnes et en supporter une autre qui gène ces mêmes personnes). Il peut exister une hypo ou une hyper sensibilité à la douleur.
—> Intolérances à certaines situations
—> Attitudes perçues comme étranges par l’entourage (p.ex devoir porter un casque anti-bruit ou être fasciné par des lumières vives, etc.)
—> Auto-stimulations pour augmenter le plaisir lié à certaines sensations, ce qui a un effet apaisant. Ces gestes stéréotypés, chez les adultes avec un niveau intellectuel normal ou élevé, sont habituellement acceptables pour l’entourage mais il arrive qu’ils incommodent certaines personnes.
—> Tendance à parler trop fort ou pas assez fort et ne pas s’en rendre compte
Théorie de l’esprit
La difficulté à sélectionner les informations et la difficulté à constituer rapidement une image globale entraîne une difficulté à repérer et à analyser le langage non verbal (mimiques de fable intensité, ton de la voix, etc) ce qui rend difficile la représentation de ce que vit et pense l’autre (colère, ennui, séduction, etc.). Difficultés à comprendre et utiliser les gestes conventionnels (clin d’œil, hochement de tête,…). On parle d’un défaut de « théorie de l’esprit » (faculté de se faire une théorie sur ce que vit l’autre), d’empathie, dans la dimension cognitive.
—> Malentendus
—> Utilisation de phrases entendues chez d’autres personnes ou dans des films pour compenser le manque de savoir-faire pour entrer en contact
—> Risque de se faire exploiter (en ne comprenant pas les intentions de l’autre)
—> Difficulté à interpréter les émotions manifestes. La personne avec TSA perçoit, par exemple, que l’autre personne est triste en la voyant pleurer mais n’arrive pas facilement à savoir pourquoi elle est triste. Elle prend d’autant plus à cœur la situation négative de l’autre personne qu’elle ne peut relativiser la situation par une compréhension précise des causes de cette situation. Nombre de personnes avec autisme sont particulièrement sensibles à la détresse des autres. Le manque d’empathie cognitive favorise un excès d’empathie affective. Ceci peut s’accompagner d’une difficulté à savoir comment réagir face à la détresse de l’autre, par sidération émotionnelle et par défaut de représentation précise du problème et donc des solutions.
Les personnes autistes ont des manières propres d’entrer en relation, d’être empathiques :
- Partager ses intérêts profonds
- Être en parallèle avec une personne, plutôt qu’interagir en permanence
- Faire des cadeaux atypiques, symboliques,…
Cognitions
Hyper-systématisation
Face à l’afflux d’informations et de sensations qu’elles ressentent, les personnes avec un TSA de haut niveau de fonctionnement ont tendance, bien plus que la moyenne, à organiser ces informations en systèmes.
Selon Simon Baron-Cohen, face au changement, le cerveau humain identifie s’il s’agit d’un changement réalisé par un « agent », avec une intention et un but ou s’il s’agit d’un changement réalisé par un « non agent », comme une machine. Dans le premier cas, le cerveau essaie de se mettre en phase avec l’agent (empathie cognitive) pour comprendre son intention. Dans le deuxième cas, il s’applique à chercher une loi expliquant le lien entre les éléments qui rentrent dans la machine (inpout) et les éléments qui en sortent (output), en concevant une systématisation du phénomène observé. Dans la systématisation, tout, ou presque, est prévu. Pour chaque type d’inpout on peut prévoir l’outpout correspondant.
Les personnes avec TSA abordent la réalité en la systématisant.
Les personnes neuro-typiques, qui sont capables de sélectionner les informations et sensations, abordent la réalité par des images globales, superficiellement et intègrent facilement des éléments nouveaux.
Inversement, les personnes avec TSA abordent la réalité à partir des détails et remontent à la globalité par un travail profond et lent.
La survenue d’éléments nouveaux est perturbante et nécessite un nouveau travail d’intégration.
Le fait de tout systématiser ainsi a plusieurs conséquences :
—> Aptitudes supérieures à s’occuper de systèmes complexes et à faire des synthèses
—> Aptitudes supérieures à rester focaliser sur un sujet très longtemps, ce qui constitue une « bulle » protectrice, parfois même en oubliant de manger et de dormir
—> Aptitude supérieure à la moyenne à s’intéresser à des sujets atypiques
—> Souci de précision, recherche de profondeur. Impression que cet idéal est partagé par tous, entraînant des déceptions douloureuses en constatant que ce n’est pas le cas
—> Souci d’exhaustivité. Difficulté à répondre « superficiellement » à une question
–> Intérêts souvent exclusif : « monotropisme ». Le fait de systématiser procure du plaisir. Les personnes avec TSA utilisent souvent le fait de se consacrer à leur passion comme moyen d’apaisement, comme « bulle » protectrice
–> Besoin de ne faire qu’une chose à la fois (ce qui, notons-le, est le fonctionnement normal du cerveau, mais ici, il est impossible de déroger à cette règle)
—> Difficultés à alimenter une conversation superficielle
—> Difficulté à s’interrompre lorsque la personne commence à parler d’un sujet
—> Difficulté à prendre en compte le contexte et à nuancer le sens en fonction du contexte
—> Difficultés à comprendre le second degré, l’humour, les expressions imagées (trouble souvent compensé avec l’expérience)
—> Tendance à dire les choses telles qu’elles sont pensées, sans filtre, ce qui peut paraître abrupte voire vexant
–> Tendance à faire confiance d’emblée (impossibilité, sans entraînement, à imaginer que l’autre peut être à la fois sympathique et menteur)
—> Une fois que l’autre est considéré de manière positive : engagement relationnel fort
—> Difficulté à surmonter des expériences négatives. L’hyper-systématisation organise les nombreuses situations de souffrance passées et les présente facilement à la mémoire. Cela peut donner lieu à des ruminations, à la « sur-généralisation mentale », biais cognitif, présent chez tout le monde, consistant a étendre abusivement des expériences négatives (p.ex : telle personne de tel groupe a été désagréable avec moi, toutes les personnes de ce groupe vont l’être également ; je n’ai pas réussi telle chose, donc je suis nulle,…). L’ampleur des expériences négatives vécues par le passé est souvent tellement importante et la systématisation tellement efficace que les moyens habituels cognitivo-comportementaux pour gérer les ruminations et la sur-généralisation sont peu efficaces. Le traitement efficace consiste à installer un mode de vie adapté pour se sentir désormais en sécurité (voir plus bas « Gestion ») et modifier ainsi la systématisation avec ces nouveaux éléments.
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Manque de souplesse dans le rapport parties (détails) / tout (globalité)
Le lobe frontal est organisé hiérarchiquement d’avant en arrière. La partie la plus antérieure (« rostrale ») se charge des généralités abstraites (notamment envisager globalementun projet, même minime (comme ‘faire un sandwich’)) et de la prise en compte du contexte où l’on se trouve. Les parties plus postérieures se chargent des étapes, de plus en plus concrètes à mesure que l’on recule dans le lobe frontal (dans l’exemple du sandwich : prendre du pain, trouver un couteau pour le couper, prendre du beurre etc.) (Badre, D., D’Esposito, 2009).
Les personnes avec autisme semblent avoir des difficultés pour remonter rapidement au niveau global (pris en charge par la partie antérieure du lobe frontal) lorsqu’elles sont focalisées par les détails ou en train de réaliser les taches concrètes.
–> Difficultés en cas de bricolage pour faire un « zoom arrière » et vérifier que ce qui est en cours de réalisation va bien dans le sens dans le but qui était fixé,
–> Étre polarisé par une action et de ne pas vérifier son adéquation avec le contexte, par exemple, dire ce qui vient à l’esprit alors que ce n’est pas adapté au contexte (Barbalat G, Leboyer M, Zalla T, 2014)
Particularités des fonctions exécutives
Les fonctions exécutives sont les processus cognitifs qui permettent de sélectionner les actions adaptées aux activités en cours ou aux buts que l’on s’est fixé (Hill EL.2003).Les fonctions exécutives permettent de réaliser une tâche complexe (comportant plusieurs étapes) en suivant un but et une méthode, déjà fixés ou que l’on a élaboré soi-même.
Elles correspondent
-
- au contrôle inhibitoire (capacité de freinage des stimuli et idées parasites
- à l’attention
- à la mémoire de travail (pour garder présentes à l’esprit des données pendant quelques secondes ou quelques minutes, au service de l’action)
- à la flexibilité cognitive (pour s’adapter aux changements d’informations)
- et à la planification (conséquence des fonctions précédentes).
Les personnes présentant un TSA Asperger, bien que d’intelligence normale ou supérieure, présentent fréquemment des troubles des fonctions exécutives. Ces troubles sont variables d’une personne à l’autre. Ils peuvent être communs avec les troubles des fonctions exécutives des personnes présentant un TDAH (Townes, 2023).
Avec ce qui a été dit précédemment, on comprend que les personnes avec TSA ont :
- Une attention diffractée par les détails
- Une difficulté à inhiber les sensations et perceptions inutiles
- Un manque de flexibilité
- Des troubles de la mémoire de travail lorsque les conditions de la systématisation ne sont pas réunies
- Des difficultés de planification :
- À court terme, éventuelles difficultés d’organisation
- À long terme, éventuelles difficultés, voire impossibilité de se projeter dans l’avenir, de décider d’un objectif et de mettre en œuvre les moyens adéquats pour y parvenir.
La personne avec autisme peut avoir du mal à se représenter très précisément le temps (par exemple à la question « dans combien de temps allons-nous nous promener ? », la personne autiste ne peut pas se représenter une réponse vague comme « dans un moment », elle a besoin d’une réponse chiffrée, comme « dans dix minutes » et elle prendra cette réponse au pied de la lettre).
L’avenir apparaît comme une réalité floue.
Les souffrances présentent liées au TSA et les moyens de s’en défendre (comme le repli dans les intérêts spécifiques) ainsi que les souffrances liées aux comorbidités anxieuses, dépressives ou autres n’aident pas à se projeter dans l’avenir.
Tout ceci explique que nombre de personnes avec autisme n’ont pas pu construire un plan de formation et de carrière à la hauteur de leurs aptitudes (et se retrouvent, par exemple, sans le baccalauréat malgré des capacités en mathématique supérieures à celles d’un enseignant-chercheur). Il est nécessaire de les aider à identifier un but qui leur plairait et qui serait en adéquation avec leurs caractéristiques, de les aider à construire le plan d’accès à ce but en étapes précises et à déterminer les outils et les appuis nécessaires.
Les caractéristiques du TSA peuvent conduire à :
- Fatigue, troubles du sommeil, anxiété, dépression, TOC, consommation de toxiques
- Épisodes de dérégulation émotionnelle : Lorsque les stimuli sont excessifs, toute personne peut se sentir en état de stress et y réagir soit par la fuite ou le combat (en manifestant bruyamment sa colère), soit par la sidération, le blocage. Les deux premières modalités sont liées à une hyperactivité du cerveau et de tout l’organisme (par stimulation du système sympathique) ; la troisième modalité, la sidération, est liée à une hypo-activité du cerveau et de l’organisme (sous l’effet du système para-sympathique). Les personnes avec autisme peuvent être plus rapidement débordées par leurs émotions. Leurs façons d’être hyper-activées (fuite et « melt down ») ou hypo-activées (« shut down ») présentent des particularités.
- Fuite : un personne avec autisme peut atteindre brutalement son seuil d’intolérance à une situation (être dans une conversation, suivre un cours, faire ses courses, etc.) et la quitter instantanément sans considérer les convenances sociales habituelles.
- « Shut down » : la personne « s’éteind », se « ferme » (« shut down »), se replie sur elle, n’ arrive plus à agir ni à être en relation. Il s’agit d’un état d’épuisement aigu, comme une batterie brutalement déchargée ou d’un état de sidération. Le « shut down » peut être interprété à tort comme une position hautaine et méprisante ou comme un symptôme hystérique ou psychotique. La manière de sortir du « shut down » est de se reposer, s’isoler, s’investir dans ses intérêts spécifiques.
- « Melt down » : Dans d’autres cas, ou lorsque la personne en « shut down » continue d’être exposée à des stimuli, la personne peut avoir des comportements fortement inadaptés socialement qui expriment sa détresse (hurler, se rouler par terre, …), que l’on appelle « melt down ». Le « melt down » peut être pris pour une crise d’angoisse ou un comportement caractériel. Il est important que les personnes de l’entourage connaissent ces réactions et y répondent en restant calme, en étant rassurantes, en amenant la personne à faire les choses qui lui font du bien (s’isoler, utiliser des objets qui la calment, se bercer, etc.). Pour prévenir ces états critiques, la personne doit apprendre à se protéger en réduisant sa charge de travail, en déclinant des invitations, en repérant autant que possible les signes avant-coureurs de tension interne et de surcharge, en apprenant à se retirer et s’isoler précocement (même lorsque l’on compte sur elle).
- Lorsque les efforts d’adaptation sociale et la souffrance s’accumulent, peut survenir un Burn-Out, incapacité durable à agir. Le traitement est plus complexe et plus long.
- Des difficultés de couple. En l’absence de diagnostic, les troubles sus-décrits sont source de nombreux malentendus, crispations, déceptions, énervement. La souffrance de chacun des membres du couple est souvent très intense, d’autant plus qu’elle n’est pas comprise. Le conjoint neuro-typique peut penser que la personne avec autisme fait exprès de ne pas comprendre ce qu’on lui dit, est ‘maniaque’, rigide, égoïste, ‘dans sa bulle’ etc. Les interactions négatives amplifient les troubles du conjoint avec autisme et la souffrance du conjoint neuro-typique. Le cas du couple où l’un des conjoint a un TSA et l’autre un TDAH (ou un tempérament hyperthymique) est particulièrement à haut risque de souffrance mutuelle (le conjoint TSA soufre de la rapidité, de la réactivité, de l’impulsivité, du désordre du conjoint TDAH ; celui-ci souffre de la lenteur, de l’apparente rigidité, de la maladresse du conjoint TSA).
- Des difficultés relationnelles au travail à cause des difficultés communicationnelles et des troubles des fonctions exécutives, la personne avec autisme pouvant notamment donner l’impression qu’elle ne comprend pas ce que l’on attend d’elle.
- Un manque d’autonomie dans le quotidien.
(Petite bibliographie complémentaire sur les troubles cognitifs du TSA : ici)
Diagnostic
Cette problématique du TSA Asperger est maintenant mieux connue. Le DSM V a abandonné l’appellation « syndrome d’Asperger » et parle de « Troubles du Spectre de l’Autisme » avec différents spécificateurs pour distinguer différentes formes. (Personnellement, je préfère garder cette dénomination qui permet de différencier rapidement cette forme d’autisme des autismes sévèrisimes et qui peuvent ne pas avoir accès au langage.)
Le diagnostic repose sur l’anamnèse, différents tests, dont notamment le test de Mr et Mme RITVO (Ritvo Autisme and Asperger Diagnostic Rating Scale). Des bilans spécialisés, neuro-cognitifs, permettent de préciser le diagnostic.
Il est important de rechercher systématiquement les TSA devant toute pathologie psychiatrique, en raison de la co-morbidité fréquente (association de plusieurs troubles) et de symptômes de TSA qui peuvent être confondus avec des pathologies psychiatriques (notamment troubles anxieux, état-limite,…).
Le TSA est assez fréquemment associé aux troubles bipolaires, aux troubles anxieux, aux consommations de substances, aux troubles de l’identité sexuelle. Il peut être aussi associé au TDAH, ce qui est très difficile à vivre pour le patient, le TDAH rendant difficile de trouver le calme et l’ordre indispensables pour apaiser l’angoisse liée au TSA.
Le diagnostic de TSA devrait pouvoir être évoqué en premier recours par les médecins généralistes, puis en deuxième recours confirmé par les psychiatres qui devraient être capable également de rechercher l’ensemble des co-morbidités potentiellement associées. Les Centre de référence sur l’Autisme (CRA) ne devraient fonctionner que comme troisième recours pour les cas très complexes. En pratique, faute de formation adéquate des médecins généralistes et des psychiatres, les CRA fonctionnent le plus souvent en premier recours (d’où leurs délais souvent supérieurs à un an).
De nombreuses personnes ne présentent pas un TSA complet mais présentent des « traits » autistiques. Il est important de les mettre en évidence pour affiner le diagnostic psychiatrique et aider ces personnes à mieux se connaitre. Par exemple, le DSM V reconnait un « Trouble de la communication sociale pragmatique » pour les personnes ayant des difficultés dans la communication sociale verbale et non verbale mais sans comportements stéréotypés ni intérêts spécifiques.
Gestion
Le point fondamental est le diagnostic. Il permet de se connaître et de se faire connaître et de trouver un « mode d’emploi » pour gérer les particularités autistiques.
La prise en charge repose sur :
- Bonne connaissance du trouble en général et du sien en particulier (bien savoir quelles caractéristiques concernent le sujet)
- Les groupes d’Entraide Mutuelle jouent un rôle très important (voire indispensable) pour connaître le trouble, se connaître, se socialiser, être soutenu.
- Certains sites, comme aspieconseil ou le podcast bande d’autistes, présentent en détails cette problématique, avec des témoignages de patients, et donnent des pistes pour la prise en charge. (Pour les hispanophones, le site et la chaîne vidéo de Ernesto Reaño, psychologue lui même concerné par le TSA, sont extrêmement éclairants et didactiques)
- La BD remarquable, « La différence invisible » de Julie Sachez est à la fois un exposé très complet sur l’autisme Asperger et un précis sur la manière de le vivre au mieux.
- Diagnostic approfondi des éventuelles co-morbidité et leur traitement. Tous les moyens habituels, avec quelques adaptations éventuelles, pour traiter les troubles anxieux et autres troubles associés sont nécessaires à mettre en œuvre. Si besoin un traitement médicamenteux peut être utile.
- Bonne hygiène de vie physique et mentale (voir la fiche auto-soin)
- Mode de vie qui évite le stress et la fatigue : connaître les signes avant-coureurs d’épuisement, de shut down et mettre en place rapidement les moyens de se reconstituer (isolement, écoute de musique au casque, position rassurante,…) ; une adaptation des activités professionnelles, des loisirs, des recontres amicales et familiales afin qu’elle restent en dessous du seuil qui provoque le shut down. Toutes ces mesures sont fondamentales : l’absence de fatigue permet de diminuer significativement la gène fonctionnelle et la souffrance. Un mode de vie protecteur permet de diminuer le stress chronique lié au TSA et les conséquences pathologiques.
- Il est très important d’éviter les hypoglycémies (voir la fiche Petit-déjeuner). Il est également important d’éviter les hypocalories, situations où les apports en calories sont insuffisant pour la tache réalisée (par exemple, attendre trop longtemps pour déjeuner, ne pas manger davantage alors que l’on fait un exercice physique intense). Ces situations, dont le sujet ne se rend pas toujours compte, peuvent provoquer chez tout le monde des mouvements dépressifs et anxieux et chez les personnes avec un TSA des les shut down et des break down.
- Gestion des « shut down » et « melt down » :
- Repérer les signes avant-coureurs de dérégulation émotionnelle, soit vers la paralysie (« shut down »), soit vers l’hyperactivation (« melt down »), pour éviter au mieux ces situations
- Traiter le plus précocement : s’isoler, écouter de la musique au casque, aller courir, utiliser un objet anti-stress (fidget toys), sensations fortes (tenir un glaçon dans sa main, bonbon fort,…), faire de la méditation de pleine conscience, etc.
- Fondamentalement : prévenir les « shut down » et les « melt down », en respectant soigneusement, comme tout le monde devrait le faire, les trois règles de bon usage du cerveau : éviter la surcharge mentale ; ne prêter attention qu’à une chose à la fois ; faire des mini-pauses dans la journée (voir fiche Auto-soin). Ceci est fondamental car les « shut down » et les « melt down », comme tout stress psychique, fragilisent le cerveau.
- Apprendre à se méfier des autres. Sans tomber dans la défiance généralisée, ne pas donner d’emblée sa confiance. La confiance est un processus de construction qui demande du temps, des vérifications aux fil des expériences avec la personne concernée. Ne pas hésiter à demander conseil à un proche fiable.
- Reconnaissance et bonne connaissance du trouble par le conjoint et les proches.
- Pour faire évoluer les troubles des fonctions exécutives l’aide d’un(e) neuro-psychologue est utile. Si le sujet a un bon niveau intellectuel, de la motivation et de la patience, il peut bénéficier du site Happyneuron (par le service de la mémoire de l’hôpital neurologique de Lyon), qui permet d’exercer soi-même l’attention, la mémoire, l’inhibition, la flexibilité et la logique, avec la réserve qu’il ne faut pas tenir compte des comparaisons faite avec la « moyenne des gens ». Même pour les personnes neuro-typiques et à haut niveau d’étude, les performances aux différents jeux sont très faibles pendant au moins trois mois et tout un chacun garde, même dans la durée, des difficultés dans certains jeux. L’important est de persévérer patiemment.