Le Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité
Définition :
Le TDAH est un trouble neuro-développemental qui se caractérise par l’association :
• Inattention
• Impulsivité
+ Dans un grand nombre de cas Hyperactivité physique (ne pas tenir en place,…) et/ou mentale (pensées surabondantes)
+ Souvent Procrastination (remettre les choses au lendemain)
+ Dans environ 70 % cas (Shaw 2014) : Dysrégulation émotionnelle (la régulation émotionnelle peut être définie comme « la capacité à modifier un état émotionnel pour s’adapter aux circonstances ou pour maintenir le but fixé » (Thompson 1994, Shaw 2014). La dysrégulation émotionnelle se caractérise par :
-
- Hyper-réactivité émotionnelle,
- Intensité émotionnelle excessive par rapport au contexte,
- Changements émotionnels rapides (labilté émotionnelle) (Shaw 2014)).
(La dysrégulation émotionnelle ne fait pas , actuellement, partie des critères diagnostics de TDAH.)
Le TDAH a longtemps été considéré comme ne touchant que les enfants, alors qu’il persiste souvent à l’âge adulte. Le DSM V actualise les critères du TDAH pour les appliquer à l’adulte.
Le TDAH a longtemps été ignoré ou mal connu de la plupart des médecins. La prescription en excès de son traitement, le Méthylphénidate (Ritaline ou autres), notamment auprès d’enfants étatsuniens a fait apparaître ce diagnostic comme le signe d’une intolérance parentale et sociétale à la spontanéité des enfants. En réalité, le TDAH est un « trouble neuro-développemental » bien identifié, sérieux et invalidant, qui bénéficie de très nombreuses études.
Récemment, une revue des études de meilleure qualité réalisées dans le monde incluant plus de 2000 participants pour chaque étude a abouti à dégager des notions irréfutables sur le TDAH (« evidence-based assertions »), publié en février 2021 par la fédération mondiale du TDAH.
Voici ces principales notions :
• Le TDAH est décrit dans la littérature médicale depuis 1775.
• Le diagnostic de TDAH est réalisé par la clinique (recueil de l’histoire, des symptômes actuels, des observations de l’entourage scolaire/professionnel et familial, antécédents familiaux,…).
Ce recueil de donné est guidé par :
le DSM V
et par l’Entretien_diagnostique_pour_le_TDAH_Adulte_DIVA_2. (qui comprent de très nombreux exemples pour illustrer chaque item du TDAH).
Les échelles diagnostiques et les bilan neuro-cognitifs jouent un rôle d’appoint.
• Le TDAH est plus fréquent chez les hommes. Il concerne 5,9 % des jeunes et 2,5 % des adultes, quelque soient les pays. (L’Inserm indique plutôt 2,8% chez mes adultes).
• Le TDAH est la cause de nombreuses complications :
– Conséquences directes de l’impulsivité : accidents, addictions, maladies sexuellement transmissibles, grossesses non désirées, délinquance, ruptures conjugales,… ; SUICIDE. Le risque suicidaire est nettement augmenté par rapport à une personne exempte de troubles psychiatriques. (Furczyk K 2021)
– Conséquences de la mauvaise hygiène de vie : obésité, diabète,…
– Conséquences de la dévalorisation liée aux échecs, au rejet : dépressions, suicide
Le coût mondial de ces conséquences se chiffre en centaines de milliards d’euro chaque année.
Les personnes présentant un TDAH semble souffrir plus fréquemment de certains troubles somatiques (infections cutanées, asthme, obésité). Des recherches sont en cours sur ce sujet.
• Le traitement est efficace sur les symptômes et sur la prévention des conséquences délétères du trouble.
• Le traitement est d’abord médicamenteux. La psychothérapie est utile, mais associée au traitement médicamenteux. ((En pratique, dans les formes moins graves, il est malgré tout préférable de commencer par les traitements psychologiques et nutritionnels. dans tous les cas, les mesures hygiéno-diététiques sont fondamentales.))
• Les traitements médicamenteux stimulants (Méthylphénidate, Lysdexamphétamine) sont plus efficaces que les traitements non stimulants (Atomoxétine, Guanfacine).
• Les traitements présentent peu d’effets secondaires.
Diagnostic différentiel
Tout trouble attentionnel n’est pas un TDAH.
De nombreuses pathologies ou situations sont cause de troubles de l’attention :
- Dépression
- troubles anxieux
- Burn Out
- Troubles bipolaires
- Schizophrénie
- Hypothyroïdie
- Insuffisance surrénalienne, etc.
Il convient de les éliminer avant de retenir le diagnostic de TDAH ou, lorsqu’elles sont présente, de faire la part entre ce qui revient à ces pathologie et à un éventuel TDAH associé.
Le TDAH se reconnaît à sa présence dès l’enfance et à ce qu’il affecte au moins deux sphères d’activités (par exemple le travail ou l’école, et la maison). Il se reconnait aussi à son éventuelle association à l’impulsivité, à l’hyperactivité et à la procrastination.
Le TDAH est compris comme un « Trouble des Fonctions Exécutives ».
Les fonctions exécutives sont les processus cognitifs qui permettent de sélectionner les actions adaptées aux activités en cours ou aux buts que l’on s’est fixé (Hill EL. Executive dysfunction in autism. Trends Cogn Sci. 2004 Jan;8(1):26-32.). Elles servent à agir efficacement, à s’adapter à des situations nouvelles, à maintenir l’effort en vue du but fixé. En bref, les fonctions exécutives permettent de réaliser une tâche complexe (comportant plusieurs étapes) en suivant un but et une méthode, déjà fixés ou que l’on a élaboré soi-même.
Elles correspondent au contrôle inhibitoire (capacité de freinage des stimuli parasites), à l’attention, à la mémoire de travail, à la flexibilité cognitive et à la planification. VOIR CE SCHÉMA
On peut se représenter, brièvement, les fonctions exécutives de la façon suivant :
* La fonction exécutive fondamentale est la fonction d’inhibition pour :
- Inhiber les distractions, les idées parasites. Ceci permet l’attention soutenue (localisée dans le cortex pariétal), qui est la condition sine qua non de l’exercice de la mémoire immédiate.
- Inhiber le stress (par rétro-contrôle sur les structures amygdaliennes), inhiber l’impulsivité, inhiber l’hyper-activité et inhiber les souvenirs inconscients. Ceci crée un climat émotionnellement serein, nécessaire au bon exercice de la mémoire de travail.
- Inhiber la dispersion de l’attention, pour se centrer sur les informations nouvelles pertinentes pour l’action en cours.
* La contrôle inhibitoire permet l’attention
* L’attention permet la mémoire de travail.
La mémoire de travail permet de garder présentes à l’esprit des données pendant quelques secondes ou quelques minutes, au service de l’action. Elle accompagne l’action pendant tout son déroulement
Elle permet de mémoriser le but de l’action et de se projeter dans le temps en gardant le but à l’esprit. Elle est en interaction avec les neurones préfrontaux chargés de la planification. Lorsqu’elle fonctionne bien, elle permet de se mettre en action et de maintenir l’effort, au-delà des frustrations, en anticipant la récompense liée de l’action réalisée.
* La flexibilité cognitive permet l’adaptation aux changements d’informations
* Ces fonctions convergent vers la capacité de planification
Le TDAH se caractérise par un défaut de ces fonctions, plus ou moins marqué selon les cas.
En conséquence :
- L’attention se disperse sur de nombreux stimuli et ne peut être soutenue dans une direction unique.
- Le sujet peut être envahi par le stress, l’impulsivité, l’hyper-activité et des souvenirs anciens (qui resurgissent par association, alors qu’ils devraient rester inconscients). Son climat émotionnel n’est pas serein.
Ce défaut de la fonction d’inhibition et les conséquences qu’il entraîne sur la mémoire de travail conduisent à :
- Difficulté à initier l’action : procrastination
- Difficulté d’organisation
- Difficulté à maintenir la motivation
Un sous-type de TDAH mérite une attention spéciale, le sous-type associé à un Haut Potentiel Intellectuel et à une haute exigence de justice. Cette personne est hyper-sensible à ce qu’elle perçoit comme des manques d’intelligence et ds injustices. L’impulsivité et l’hyper-réactivité la font sur-réagir aux erreurs et aux injustices. Le défaut de flexibilité cognitive entraîne une persévérance (‘frontale’) dans la demande insistante et chargée émotionnellement de clarification, de reconnaissance par l’autre de son erreur ou de l’injustice qu’il est censé avoir commises, jusqu’au harcèlement. L’autre personne supporte en général très mal ces reproches et cette insistance qui lui paraît disproportionnée et adopte une attitude défensive qui exacerbe la réaction sur-indignée de la personne porteuse de TDAH. Une escalade s’enclenche pouvant mener la violence de part et d’autre et à des gestes suicidaires de la part de la personne porteuse de TDAH. L’issue favorable ne peut se faire que dans la reconnaissance par l’autre personne d’une défaillance personnelle. À partir de là, la personne porteuse de TDAH s’apaise en général rapidement.
Le TDAH serait lié à la neuro-inflammation. Un cas d’apparition de TDAH chez un adulte de 61 secondairement au covid 19 a été décrit, probablement par inflammation des zones cérébrales impliquées dans le TDAH (Moraes Victor 2023). Par ailleurs, le TDAH semble être un facteur de risque de covid-long (Merzon E 2022).
La personne porteuse de TDAH peut agir de manière très efficace :
- En cas d’alerte, d’urgence
- ou quand la personne est passionnée et/ou en relation affective avec un enseignant, un collègue, un proche.
L’urgence ou l’implication intellectuelle et affective lui procurent une motivation intense (par activation du circuit dopaminergique de la récompense) qui lui permet de soutenir l’action. Si la motivation diminue, la personne peut abandonner la tâche en cours. En revanche, si la motivation se maintient, la personne peut être extrêmement efficace et réaliser un travail parfois « hors norme », sous-tendu par l’hyperactivité et par un certain de défait de « freinage ». Par ailleurs, il est fréquent que le défaut de planification se traduise par un manque de prise en compte initiale du temps et des moyens nécessaires à la tâche à réaliser, ce qui amène la personne à entreprendre des tâches considérables là où d’autres seraient retenus par la conscience de l’ampleur du projet.
En dehors de ces deux situations, le défaut de la fonction d’inhibition entrave le circuit ordinaire du déclenchement de l’action et du maintien de l’effort, malgré, très souvent, une grande force intérieure et de nombreuses qualités.
Association TDAH / Trouble bipolaire
Cette co-occurence est de l’ordre de 1 patient bipolaire sur six selon une méta-analyse ayant inclus 600 000 personnes (Schiweck C, 2021). Mais il est probable que ce résultat soit sous-estimé. Elle passe très souvent inaperçu.
Cette association :
- Augmente le risque suicidaire et tous les risques de troubles du comportement des deux troubles
- Augmente le risque cardio-vasculaire et les risques somatiques inhérents aux deux pathologies
- Est une cause de résistance au traitement du Trouble Bipolaire et du TDAH et d’erreurs thérapeutiques
- Donne des tableaux cliniques souvent étiquetés de « trouble Bordeline ». Cette entité, décrit une organisation particulière de la personnalité, avec notamment de l’impulsivité et de la dysrégulation émotionnelles. Elle repose le plus souvent sur le Trouble Bipolaire ou sur le TDAH ou sur l’association des deux.
Le dépistage du TDAH devrait être systématique devant tout Trouble Bipolaire et réciproquement.
Les différentes recommandations et études sur le sujet (Canmat, Bond DJ et al 2012, Canmat Yatham LN et al 2018, Salvi V 2021, McDonald L, 2023) indiquent, pour le traitement :
- Traiter d’abord le TB
- Puis réévaluer si le TDAH nécessite un traitement pharmacologique
- Si oui : Le Bupropion est moins à risque de virage maniaque mais il est moins efficace que le Méthylphénidate ou la Lisdexamphétamine ou l’Atomotexine, qui peuvent être prescrits en surveillant strictement l’humeur.
- Le Modafinil peut être intéressant
- Pas de données sur la Guanfacine et la Clonidine
- Le Valproate peut être intéressant sur l’impulsivité et la dysrégulation émotionnelle
- Le Lithium peut être efficace sur l’impulsivité et les troubles attentionnels
Le Méthylphénidate peut être associé au Lithium, au Lamictal, au Valproate.