Risque suicidaire
Les troubles bipolaires sont associés à un taux de suicide de 11 à 19%. Chaque année en France, 1500 personnes malades d’un Trouble Bipolaire décèdent par suicide (sur les environ 9000 décès par suicide par an).
Les différents facteurs de risque sont les suivants (Prescrire, sept 2023, p.682) :
- Facteurs héréditaires :
- Maladie mal diagnostiquée et mal traitée (un tentative de suicide antérieure est le facteur de risque le plus important de suicide)
- Antécédents familiaux de suicides ou de tentatives de suicide
- Impulsivité
- Événements de vie :
- Maltraitance dans l’enfance
- Événements douloureux récents ; Deuils, séparations
- Isolement et manque de soutien social
- Chômage
- Problèmes de santé :
- Usage de drogue ou d’alcool
- Douleurs chroniques
- Inflammation de bas grade (voir ici p.ex)
- Troubles du sommeil
Certains groupes de personnes semblent plus exposées au risque de suicide : personnes incarcérées, militaires, agriculteurs, personnes travaillant dans le secteur de la santé, personnes transgenres, personnes homo- ou bisexuelles, personnes âgées de 75 ans ou plus.
Certains signes peuvent faire craindre un passage à l’acte suicidaire : changement brutal de comportement, culpabilité exprimée en boucle, désespoir, propos suicidaires, sérénité soudaine, préparatifs concernant la succession (mise en ordre de ses affaires, testament).
Lorsque la personne a de nombreux facteurs de risques et un scénario très précis pour se donner la mort avec déjà les moyens matériels d’y parvenir, le risque est très élevé. Une hospitalisation en urgence est nécessaire, si nécessaire sans le consentement du patient, « à la demande d’un tiers ».
Prévenir le suicide
Le suicide peut être prévenu avec efficacité. Le taux de suicide en France a diminué de 33,5% entre 2000 et 2016 grâce à une meilleure écoute, une plus grande sensibilisation des soignants, un traitement médiatique des suicides des célébrités plus prudent (pour éviter l’effet « Werther » de suicides mimétiques.
Quelques idées clés peuvent guider une auto-prévention du suicide :
• Prendre au sérieux les propos suicidaires, sans les disqualifier au nom d’un prétendu « chantage au suicide ». 8 suicidés sur 10 en ont parlé préalablement à leur médecin ou à leur entourage. Dans une étude ayant inclus environ 500 000 patients ayant répondu au questionnaire Patient Health Questionnary-9, 0,8% des patients ayant répondu avoir des pensées suicidaires quasi-quotidiennes au cours des deux dernières semaines se sont suicidé ou ont fait une tentative de suicide, versus 0,2% de ceux ayant répondu négativement à cette question.
Le passage à l’acte suicidaire intervient au bout d’un processus (« boule de neige »), après l’accumulation de souffrances et de moyens inadéquats pour y faire face (alcoolisation, consommation de toxiques, isolement,…). Un événement dit « précipitant » peut déclencher le passage à l’acte.
=> Il est fondamental de demander de l’aide précocement face à la souffrance psychique.
=> Il est fondamental de ne pas disposer de matériel potentiellement létal (ne pas accumuler de médicaments : rapporter à la pharmacie les médicaments non utilisés ; veiller à ce que le patient à risque suicidaire n’ait pas de corde, d’arme à feu etc. à disposition). L’idée selon laquelle la personne suicidaire trouvera toujours un moyen pour se suicider est fausse. Le suicide se produit le plus souvent impulsivement lorsque tous les moyens sont déjà réunis pour passer à l’acte. Ne pas avoir les moyens matériels de se suicider permet de gagner du temps pour traiter le désespoir.
• Tout patient potentiellement suicidaire doit disposer d’un plan écrit précis, en plusieurs étapes, à suivre si les idées suicidaire surviennent. Voici le plan à suivre en cas d’idées suicidaires et, en italique, ce qui doit être préparé en amont :
- Parler à des personnes proches (NB : parler de suicide à une personne qui va mal ne peut absolument pas provoquer le suicide ; au contraire, cet espace de parole est très efficace pour soulager le patient). Préalablement : avoir prévu quelles personnes contacter, avoir obtenu leur accord et disposer de leur numéro de téléphone facilement.
- Activités pour se calmer et se réconforter :
- Commencer par jouer au Tétris (ou selon les préférences au « Jeu du solitaire », au Majong). Cela permet de se recentrer, de diminuer l’impulsivité et d’ouvrir ensuite une disponibilité à des activités réconfortantes. (Préalablement : avoir développé cette pratique.)
- Puis faire des activités comme le dessin, le coloriage, la marche, etc.
- Se rappeler que le suicide n’est pas un choix mais une conséquence de la maladie. Se redire des phrases comme celle-ci (Préalablement : avoir préparé et noté ces « phrases thérapeutiques ») :
- « Ce n’est pas moi qui veux ma mort, mais ma maladie ». Un confrère m’a rapporté qu’un de ses patients s’est remémoré cette phrase alors qu’il était allé sur une voie ferrée pour se suicider et que, grâce à cela, il a renoncé à son projet in extremis, juste avant l’arrivée du train.
- Face aux idées suicidaires, le patient ressent toujours une ambivalence, une partie de lui-même semble lui dire de passer à l’acte, une autre partielle lui dit de résister. Amplifier activement cette deuxième voix est fondamental.
- Relire plusieurs fois une liste des personnes chères et des choses que l’on aime dans la vie, même minimes (Préalablement : avoir établi cette liste).
- Prévoir un lieu où l’on se sent en sécurité et y aller (Préalablement : avoir pris tous les contacts nécessaires)
Si ces étapes ne sont pas suffisantes pour contrôler les idées suicidaires :
- Appeler le 3114 (numéro gratuit garantissant une écoute « professionnelle et confidentielle » 24h/24 et 7 jours/7, par des infirmiers et psychologues formés, depuis fin 2021). (Préalablement : être allé visiter le site du 3114.)
- Téléphoner à un soignant (Préalablement : avoir prévu quels soignants appeler et noté leurs numéros de téléphone)
- Se rendre à l’hôpital (Préalablement : avoir préparé l’adresse exacte et prévu quelle(s) personne(s) pour y être accompagné ou le numéro de téléphone de plusieurs taxis)
Toute personnes ayant été hospitalisée pour une tentative de suicide bénéficie d’un suivi par le dispositif VigilanS, gradué en fonction de la gravité de la tentative de suicide.
Toutes ces mesures permettent de soigner et même se guérir les idées suicidaires
À noter : le Lithium est de nature à diminuer, voire à faire disparaître, les idées suicidaires.