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Diagnostics différentiels des troubles bipolaires

1) Cas particulier du trouble borderline

Le trouble borderline ou ou « personnalité borderline » ou « état limite » présente des caractéristiques très proches du trouble bipolaire.

Les critères du trouble borderline selon le DSM V peuvent être résumés en deux symptômes cardinaux, auxquels s’ajoutent des caractéristiques psychologiques :

    • 1) Instabilité de l’humeur, de l’image de soi, des relations interpersonnelles
    • 2) Impulsivité (dans au moins deux de ces domaines : dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie) ; crises de colère intense et inappropriées ; gestes suicidaires, auto-mutilations
    • + Caractéristiques psychologiques :
      • Vécus d’abandon
      • Sentiment chronique de vide
      • Survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutrice ou de symptômes dissociation sévères (dépersonnalisation, déréalisation)

Le trouble borderline est souvent conçu comme essentiellement d’origine psychologique. En réalité, le trouble borderline, comme beaucoup de pathologies psychiatriques, est la conséquence de l’interaction entre des fragilités biologiques et des facteurs psycho-sociaux.

Les personnes souffrant d’un trouble borderline ont souvent été soumises à des conditions psycho-sociales très toxiques : abus sexuels, abandons réels ou perçus, vécus d’exclusion, disqualification des émotions et des besoins de l’enfant, (voire de sa personne elle-même), inadéquation des réponses parentales aux besoins affectifs de l’enfant, etc.

La composante biologique est, dans la plupart des publications, résumée à une’ hyper-sensibilité émotionnelle’ et à une ‘hyper-réactivité émotionnelle’.

Le trouble borderline est présenté comme un diagnostic différentiel du Trouble Bipolaire. Personnellement, mon avis est le suivant : la base biologique du trouble borderline est constituée, le plus souvent, d’un Trouble Bipolaire et/ou  d’un TDAH. À ce socle biologique se surajoutent des caractéristiques de personnalité particulières secondaires à des éléments psycho-sociaux neurotoxiques. Lorsqu’on explore précisément ces tableaux cliniques, on retrouve, en effet, la plupart du temps un troubles bipolaire précis, le plus souvent une Cyclothymie, ou un Trouble Bipolaire de type II et/ou souvent un TDAH. Les vécus traumatiques, abandonniques, disqualifiatoires et carentiels colorent le trouble de manière particulière.

D’ailleurs, le traitement du trouble borderline, outre la psychothérapie qui est indispensable (pour traiter les aspects traumatiques, corriger des schémas toxiques, apprendre à se protéger, etc.) fait appel exactement aux mêmes médicaments que ceux permettant de traiter le trouble bipolaire.

Le trouble borderline est souvent présenté comme un diagnostic psychologique (il fait partie des « troubles de la personnalité »), ce qui insinue que le traitement est purement psychothérapeutique. Ceci occasionne de grandes pertes de chances pour les patients et renforce également la stigmatisation en sous-entendant que le patient est entièrement responsable de son état et que le changement ne dépend que de lui, ce qui est impossible si l’on ne traite pas correctement la dimension neuro-biologique. Inversement, d’autres patients sur-investissent ce diagnostic, soulagés, pensent-ils, de ne pas être bipolaires, de ne pas relever d’un défaut mental neuro-biologique et de ne pas avoir besoin de traitements médicamenteux et médicaux.

2) Pathologies pouvant être évoquées en lieu et place du Trouble Bipolaire  :

– Un état maniaque avec caractéristiques psychotiques (hallucinations, idées délirantes) marquées peut être confondu avec :

  • la schizophrénie, maladie caractérisée par l’association, à des degrés divers, de symptômes « positifs » (hallucinations, délire), de symptômes « négatifs » (notamment aboulie) et d’une désorganisation du discours et du comportement (voir les critères du DSM V). Dans la schizophrénie, il n’y a pas d’épisodes dépressifs majeurs ni de manie ou hypomanie.
  • Le trouble schizo-affectif. Ce trouble est un composite de Trouble Bipolaire et de Schizophrénie (voir les critères DSM V). Il s’agit d’une combinaison de symptômes de la schizophrénie (idées délirantes, hallucinations, désorganisation) et d’épisode(s) et de manie ou de dépression majeure. En pratique, il s’agit d’une personne ayant des symptômes de schizophrénie qui présente un épisode dépressif majeur ou un état maniaque. Les symptômes de schizophrénie doivent avoir été présents pendant au moins 2 semaines, en l’absence de dépression ou de manie. La différence avec le trouble bipolaire est la persistance d’hallucinations, d’idées délirantes, de désorganisation psychique après la guérison des épisodes dépressifs ou maniaques.
  • une bouffée délirante aigüe ou une psychose puerpérale. L’intensité affective de l’épisode, les antécédents personnels et familiaux et l’évolution permettent de faire le diagnostic.

– La Cyclothymie peut être confondue avec le TDAH, surtout quand celui-ci s’accompagne de dysrégulation émotionnelle

– Une dépression avec caractéristiques bipolaires non reconnues peut être confondue avec une dépression simple

 

3) Pathologies pouvant être prises pour des Troubles Bipolaires

3-1) le Trouble Dysphorique pré-menstruel (ou Syndrome Pré-menstruel (SPM))

Ce trouble, forme sévère du syndrome pré-menstruel, se traduit par des phases de souffrance psychique intense systématiquement pendant quelques jours avant les règles (voir les critères DSM V).

Le traitement peut être proposé en plusieurs étapes, en passant à la suivante si la précédente n’est pas assez efficace :

1) Première étape :

  • Diminution des apports en sucre, sel, café, tabac
  • Augmentation des apports en hydrates de carbone complexes (légumineuses : lentilles, pois chiches, haricots,…)
  • Activité physique
  • Gestion du stress

2) IRS, par exemple SERTRALINE. Dans un premier temps, il peut être tenté de n’en prendre qu’une dose unique, quatorze jours avant les règles.

3) Traitement hormonal a peu de place dans la prise en charge.

  • Une pilule à base de drospirénone et une faible dose d’œstrogènes pourrait avoir un effet positif chez certaines femmes mais il y a des incertitudes sur la balance bénéfices-risques et la durée de l’effet au long cours (revue la littérature par le réseau Cochrane 2023)
  • « Les œstrogènes non compensés (c’est-à-dire seuls) administrés par voie orale au cours de la phase lutéale du cycle menstruel ne sont probablement pas efficaces pour contrôler les symptômes du SPM et peuvent même les aggraver. » (Cochrane 2017).

 

3-2) Les vagues d’effondrement liées à l’autisme Asperger

Le syndrome Asperger peut occasionner des moments d’effondrement (break-down) lorsque les sur-stimulations n’ont pas pu être arrêtées à temps.

Il n’est pas rare qu’une personne non informée de ses traits Asperger se sur-adapte aux exigences de sa vie familiale et professionnelle jusqu’à l’effondrement qui peut être pris comme un passage dépressif brutal et qui se résout après quelques heures ou quelques jours au calme.

Ces deux troubles peuvent être associés à un Trouble Bipolaire. Leur diagnostic ne dispense pas d’une recherche de trouble bipolaire. 

 

3-3) Certaines pathologies organiques peuvent donner des symptômes dépressifs et/ou des  (hypo)maniaques ou des états mixtes

3-4) Certains médicaments peuvent donner des dépressions ; certains médicaments peuvent donner des (hypo)manies