Traitement des dépressions résistantes
Une dépression est considérée comme « résistante » lorsqu’elle n’a pas répondu à deux traitements médicamenteux antidépresseurs, de mécanismes différents, prescrits à posologie et à durée suffisantes.
« La fréquence des dépressions résistantes est en augmentation. Considérée comme concernant 15% du traitement des dépressions dans les années 1990, certains auteurs comme Fava, portent ce chiffre à 40% actuellement ». (1, p.38) On peut retenir le chiffre de 30%.
1) La première chose à faire est de reprendre l’évaluation diagnostique :
- Le diagnostic de dépression est-il sûr ? Ne s’agit-il pas :
- d’une Dépression dans un cadre bipolaire passé inaperçu, auquel cas le traitement doit plutôt reposer sur les régulateurs de l’humeur ?
- d’une schizophrénie déficitaire ?
- d’un Trouble du Spectre Autistique ?
- Y-a-t-il des troubles associés qui entretiendraient la dépression :
- Apnées du sommeil. 30 à 40% des patients dépressifs souffrent d’apnées du sommeil (BaHammam AS et coll. Comorbid depression in obstructive sleep apnea: an under-recognized association. Sleep and Breathing. 9 juillet 2015). Dans ces cas, la dépression serait plutôt d’origine vasculaire et inflammatoire. Les antidépresseurs n’ont « pas de prise » sur ces mécanismes. Il convient de traiter en premier lieu le syndrome d’apnées du sommeil.
- Stress au travail et/ou en famille, Burn Out
- Stress aigu ayant entraîné un État de Stress Post Traumatique
- Troubles anxieux
- Alcoolisme (l’alcool fait déprimer et donc annule le ‘travail’ des antidépresseurs.
- TDAH,…
- Y-a-t-il des problèmes médicaux à corriger comme une hypothyroïdie, un diabète, une maladie de Parkinson débutante, une tumeur cérébrale,… ou plus simplement une carence en omégas 3, en Vitamines B9 ou B12,… ?
- Y-a-t-il une inflammation associée (CRP supérieure à 3 mg/l) ? dés études récentes indiquent que la plupart des dépressions résistantes sont liées à l’inflammation. L’inflammation se porte essentiellement sur les zones dopaminergiques, ce qui donne un profil particulier de la dépression, marqué par l’anhédonie et le ralentissement.
- Le patient prend il des médicaments dépressogènes ?
- Le patient est-il observant de son traitement ?
Il faut commencer par :
- Adapter le traitement à une éventuelle bipolarité
- Traiter les troubles psychiques et somatiques associés
- Si une inflammation est associée, il faut utiliser un traitement dopaminergique (Bupropion, Pramipexole, IMAO, Aripiprazole, Méthylphénidate) et mettre en place soigneusement les mesures anti-inflammatoires.
- Supprimer les médicaments dépressogènes
- Vérifier le taux sanguin des antidépresseurs et soutenir si nécessaire l’observance du traitement
2) Si cela ne suffit par à traiter la dépression, il faut envisager des stratégies thérapeutiques alternatives à la monothérapie antidépressive
2-1) Association d’antidépresseurs de mécanismes complémentaires, notamment :
- Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine (IRS) + Miansérine ou Mirtazapine (Norset)
- Venlafaxine (Effexor) + Miansérine ou Mirtazapine (Norset)
- Venlafaxine (Effexor) + Bupropion (Zyban)
- IRS + Bupropion (Zyban)
- IRS + Clomipramine (Anafranil)
L’association être guidée par l’analyse précise des symptômes les plus gênants (pour essayer d’agir sur le mécanisme de la dépression).
2-2) Association d’un antidépresseur (AD) avec un « neuroleptique atypique », surtout si l’anxiété est majeure, par exemple :
- AD + 2,5mg d’Aripiprazole (Abilify)
- AD + 5mg d’Olanzapine (Zyprexa)
- AD + 150mg de Quétiapine (Xéroquel)
2-3) S’il y a des symptômes psychotiques ou une suicidalité élevée, certains praticiens associent la Clozapine (Léponex).
2-4) Si la dépression est particulièrement anhédonique ou s’il y a des premiers signes de parkinson), on peut associer le Pramipexole à un IRS ou à la Venlafaxine.
2-5) S’il y a une « ambiance bipolaire » (Éléments en faveur d’un Trouble Bipolaire) ou un risque suicidaire élevé, on peut associer le Lithium, à titre de potentialisateur des antidépresseurs. Gérard et Gorion proposent le schéma suivant (1) :
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- Associer au traitement antidépresseur 250mg de Téralithe matin et soir
- Si le patient ne répond pas au bout d’une semaine, le traitement est augmenté jusqu’à 750 à 1000mg, en contrôlant la lithiémie qui ne doit pas dépasser 0,8meq/l.
- S’il n’y a pas de réponse au bout de 3 semaines d’association, on peut envisager l’arrêt (en pratique, l’association de lithium est soit très efficace soit pas du tout ; on peut arrêter après trois semaines).
- En règle générale, lorsque le patient s’est bien amélioré sous l’association des deux, on peut arrêter le Lithium et continuer avec l’antidépresseur.
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2-6) Si le bilan sanguin indique une TSH supérieure à 4, on peut associer (surtout aux antidépresseurs tricycliques) une forme synthétique de l’hormone thyroïdienne T3, la Liothyronine (Cynomel). La T3 est utilisée de préférence à la T4 du fait de son action plus rapide sur le système nerveux central.
Les recommandations de certains auteurs (1) sont les suivantes :
- Semaine 1 : ½ cp 25mcg/j ; semaine 2 : 1cp 25mcg/j ; semaine 3 : 2 cp 25mcg/j ; dose maximale : 75mcg/j
- Réaliser un Électro Cardio Gramme avant et après mise sous traitement
- Une certaine nervosité peut apparaître à partir de 50mcg ; plus rarement apparaissent : tachycardie, insomnie, excitabilité, céphalées, fièvre, sueurs, amaigrissement, diarrhée
- L’arrêt doit être progressif sur une durée proportionnelle à la durée d’utilisation.
- Il ne faut pas associer de traitement aux neuroleptiques (effets antagonistes)
- Attention à l’interaction avec les anti-coagulants oraux (augmentation de l’INR)
2-7) Dans certains cas, l’association de Modafinil peut être utile.
2-8) S’il s’agit d’une dépression du post-partum ou péri-ménopausique, on peut demander au gynécologue ou à l’endocrinologue une thérapie hormonale par œstrogènes.
2-8) L’ ÉlectroConvulsivoThérapie a un grand intérêt dans les dépressions résistantes.
2-9) Certains équipes peuvent proposer la r-TMS (Stimulation Magnétique Transcrânienne répétitive)
Dans tous les cas, il faut renforcer la prise en charge psychothérapeutique notamment, si c’est possible, grâce à une prise en charge en Hôpital de Jour.
1 Gourion A, Gérard A, Dépressions difficiles et dépressions résistantes, Optimisation des stratégies psychopharmacologiques, EM direct, Issy-les-Moulineaux, 2013