Démarche diagnostique générale en psychiatrie :
Les troubles mentaux peuvent venir de perturbation dans quatre dimensions :
1) Neuro-biologique :
1-1 Maladies psychiatriques : Dépression, Trouble Bipolaire, Schizophrénie, Troubles anxieux, TOC, Troubles du comportement alimentaire, État de stress post-traumatique,. Une pathologie est souvent associée à une ou plusieurs autres. Après avoir réalisé un diagnostic, il convient d’enquêter sur l’existence d’autres troubles associés (« dits comorbides »). Par exemple, les Troubles Bipolaires sont fréquemment associés à des troubles anxieux ou des TOC qu’il convient d’explorer car les patients ont tendance à ne pas en parler spontanément. Les maladies psychiatriques peuvent être associées également à chacune des quatre autres dimensions, par exemple, une Cyclothymie ou un Trouble Bipolaire II, peut entraîner un Burn Out, être associé à un TSA. à des consommations abusives de produits et à problèmes de santé généraux. Tant que toutes les composantes du tableau clinique n’ont pas été identifiées et traitées l’évolution ne peut pas être favorable.
1-2 Tempéraments : partie biologique de notre personnalité, qui sous-tend notre réactivité, notre sensibilité, notre stabilité émotionnelle.
1-3 Troubles neuro-développementaux : troubles liés à un défaut « instrumental » de certaines fonctions
2) Psychologique :
2-1 Éventuels troubles de la personnalité
2-2 Caractéristiques névrotiques
3) Médicale
3-1 Perturbations de l’état général
3-2 Substances exogènes (drogues ; médicaments)
4) Sociale : Mode de vie, Habitation, Travail, Vie conjugale, familiale, amicale
La démarche diagnostique doit s’attacher à explorer chacune de ces quatre dimensions ainsi que leurs interactions (approche systémique du diagnostic psychiatrique). Cela se réalise à travers un interrogatoire précis sur l’histoire des troubles, les antécédents personnels et familiaux, les antécédents somatiques, complété par la passation d’échelles d’évaluation et un bilan sanguin et urinaire.
1) Dimension Neuro-biologique :
1-1 Rechercher une maladie psychiatrique
Pour la dépression et les Troubles Bipolaires, voir les articles dédiés (diagnostic de dépression, diagnostic de Trouble Bipolaire).
Dans un deuxième temps, ce diagnostic est à mettre en perspective avec les éléments recueillis par l’analyse des trois autres dimensions.
1-2 Explorer le tempérament
Les quatre tempéraments, dits « affectifs », dépressif, hyperthymique, irritable et cyclothymique sont lus souvent associés à des troubles bipolaires. Il est capital de les rechercher systématiquement, par l’interrogatoire et la passation de ces questionnaires.
1-3 Rechercher d’éventuels troubles instrumentaux associés :
Des difficultés, liées à une mauvaise mise en place neurologique des fonctions instrumentales peuvent être associées au trouble psychiatrique principal et doivent être également recherchées de manière spécifique dès que le diagnostic principal ne rend pas entièrement compte de la situation. En effet, ces troubles ne sont pas rares et ils compromettent fortement l’adaptation sociale. Ils sont à l’origine de cercles vicieux (Troubles instrumentaux => fatigue, dévalorisation, souffrance morale =>dépression => baisse des performances, amplification du handicap => fatigue, dévalorisation, souffrance morale =>…)
- TDAH
- Trouble du Spectre Autistique de Haut Niveau (Asperger)
- Dyslexie, dyscalculie, dysorthographie, dyspraxie : à rechercher par des bilans neuro-cognitifs et psychomoteurs spécifiques
2) Dimension Psychologique :
2-1 Éventuels troubles de la personnalité associés
Le trouble de la personnalité est défini ainsi par le DSM V :
A- Modalité durable de l’expérience vécue et des conduites qui dévie notablement de ce qui est attendu dans la culture de l’individu, dans au moins deux des domaines suivants : cognition (perception et vision de soi-même, d’autrui et des événements), affectivité (diversité, intensité, labilité et adéquation de la réponse émotionnelle), fonctionnement interpersonnel, contrôle des impulsions.
B- Ces modalités durables sont rigides et envahissent des situations personnelles et sociales diverses.
C- Ce mode durable entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
D- Ce mode est stable et prolongé et ses premières manifestations sont décelables au plus tard à l’adolescence ou au début de l’âge adulte.
E- ce tableau n’est pas mieux expliqué par les manifestations ou les conséquences d’un autre trouble mental.
F- Ce mode durable n’est pas imputable aux effets physiologiques d’une substance (p.ex drogue donnant lieu à abus ou médicament) ou d’une autre affection médicale (p.ex un traumatisme crânien).
Le DSM V distingue le groupe A des troubles de la personnalité comprenant la personnalité paranoïaque, la personnalité schizoïde et la personnalité schizotypique, le groupe B comprenant la personnalité antisociale, la personnalité borderline, la personnalité histrionique, la personnalité narcissique, le groupe C comprenant la personnalité évitante, la personnalité dépendante, la personnalité obsessionnelle-compulsive.
Des questionnaires d’évaluation existent comme le Personnalité Disorder Questionnaire 4, de 117 questions mais l’évaluation clinique peut être suffisante dans nombre de cas.
2-2 Caractéristiques névrotiques
Chacun de nous présente des éléments « névrotiques », des limitations de notre liberté intérieure par des angoisses profondes (de perte, d’abandon,…) et par des mécanismes de défense peu économiques. Selon l’intensité de ces entraves à notre liberté, les symptômes sont plus ou moins sévères : manque de confiance en soi, un manque d’affirmation de soi, un complexe d’infériorité, une anxiété flottante. Ils interfèrent plus ou moins avec les perturbations des autres dimensions et peuvent plus ou moins les masquer.
Le traitement relève d’une approche thérapeutique de type psychanalytique, centrée sur l’écoute neutre et bienveillante pour accueillir tout ce qui vient spontanément du patient en intervenant le moins possible. Cette démarche a toute sa pertinence dans son champ de validité qu’est la névrose. Cependant, elle ne constitue pas à elle seule une réponse à tous les problèmes psychique et ne doit intervenir qu’après une diagnostic multi-dimensionnel et après avoir traiter les perturbations les plus urgentes et les plus graves dans les autres dimensions.
3) Dimension médicale
La santé générale peut retentir sur l’état mental par quatre voies différentes : par des pathologies qui causent des troubles mentaux, par une altération de l’état général, par le stress, par le mésusage de médicaments ou la consommation de substances toxiques.
3-1) Certaines pathologies peuvent être la cause de troubles mentaux (voir Maladies pouvant se révéler par une dépression). Si elles ne sont pas repérées, elles continuent d’évoluer, de s’aggraver et peuvent devenir létales. Un interrogatoire précis et un examen clinique sont nécessaires devant toute situation de troubles mentaux.
3-2) Toute altération de l’état général, même minime, peut donner des troubles mentaux
Pour éviter cela, il faut :
-
- Avoir une flore intestinale (microbiote) en bonne santé afin d’éviter la dysbiose, qui sous-tend un grand nombre de troubles mentaux, notamment à travers l’ inflammation du cerveau (« neuro-inflammation »).
- Appliquer les 7 Mesures sont fondamentales pour protéger le cerveau
Des dérèglements, même minimes, peuvent avoir de grands effets sur l’état mental. Par exemple, on sait que des hypoglycémies sévères peuvent « rendre fou » et déclencher des états d’agressivité et de violence parfois incontrôlables, mais des hypoglycémies modérées, liées à un petit-déjeuner inadéquat peuvent provoquer des mouvements dépressifs intenses, de l’irritabilité et de l’anxiété. De même, un apport insuffisant en calories peut avoir les mêmes effets.
Une carence en vitamine B12 est connue pour donner chez les personnes âgées des tableaux démentiels, parfois de faux diagnostics de maladie d’Alzheimer qui régressent à la supplémentation en vitamine B12. Cette carence a minima chez toute personne peut donner des dépressions.
Les carences en fer et en iode, même modérées, le diabète, les hypothyroïdies, les apnées du sommeil, peuvent donner des fatigues chroniques.
Il est nécessaire de rechercher systématiquement ces éventuels problèmes de santé en réalisant un bilan de santé global avec Bilan sanguin et urinaire et la passation d’un questionnaire de Berlin à la recherche d’apnées du sommeil et demander une polysomnographie si le score est évocateur. Une attention particulière doit être portée au régime végétarien qui peut s’accompagner de carences si la personne n’est pas suffisamment informée.
3-3) Le stress a des impacts majeurs sur la santé mentale, soit sous forme de Burn Out, soit sous forme de Syndrome de Stress Chronique. Le stress chronique laisse souvent des séquelles sous forme de troubles du sommeil, de vulnérabilité à l’anxiété et la dépression, d’impulsivité, de troubles de la mémoire et de l’apprentissage, de fatigue chronique et de douleurs diffuses. Les pathologies psychiatriques sont sources de stress chronique et peuvent ensuite être compliquée par ces séquelles. Le bilan diagnostique permet de faire la part entre ce qui revient à la pathologie psychiatrique et peut être traité par des médicaments et ce qui revient à ces séquelles et doit être géré par la réhabilitation.
3-4) Éventuel mésusage de médicaments ou consommation de substances toxiques.
L’alcool aggrave tous les troubles mentaux mais il peut aussi en créer, en particulier la dépression. Le cannabis aggrave également les troubles mentaux. Il en est de même pour tous les stupéfiants.
D’autres substances peuvent poser problème comme les boissons énergisantes, un soda américain bien connus etc. Certains patients ont des addiction à ces produits, ce qui amplifie l’anxiété et les troubles du sommeil, amplifie le tempérament hyperthymique. Seul un interrogatoire précis permet de mettre ces consommations en évidence.
De nombreux médicaments favorisent voire créent des états hypomaniaques ou des dépressions, comme les corticoïdes ou les décongestionnants nasaux (voir des listes non exhaustives ici et ici).
Des médicaments peuvent générer des comportements addictifs ou délictueux. Il s’agit de tous les médicaments qui augmentent la dopamine : les antiparkinsoniens, le Bupropion, l’Aripiprazole (Abilify), l’Olanzapine (Zyprexa),… Pour illustrer ces problèmes qui ne sont pas rares, voici l’exemple d’un jeune patient bipolaire traité par ARIPIPRAZOLE qui s’est mis à développer une addiction envahissante aux jeux et au cannabis. À l’arrêt de cette molécules, l’addiction a disparu. Il a ensuite été traité sans problèmes d’addictions par Lithium. Dix ans plus tard, un psychiatre a arrêté le Lithium pour le remplacer par OLANZAPINE et le patient est devenu dépendant à la cocaïne. À l’arrêt de cette molécule, l’addiction disparu en une semaine pour ne plus réapparaître.
Il est donc fondamental de rechercher un facteur exogène aux troubles mentaux, facteur que les patients ne mettent souvent pas en évidence par eux-mêmes.
4) Dimension Sociale
Les conditions de vie peuvent provoquer ou entretenir des troubles psychiques. Il est donc fondamental de prendre en compte la qualité du logement (salubrité, espace, insonorisation,…), les caractéristiques du travail (conditions de travail, amplitude horaire, travail posté, de nuit,…), la vie affective et sexuelle, les relations familiales et amicales.