Omégas 3 et Omégas 6
Quelques points de repère sont nécessaires pour comprendre les enjeux des Omégas 3 et des Omégas 6 (1).
On appelle « Omégas 3 », l’acide alpha-linolénique, acide gras poly-insaturé (que l’on trouve notamment dans les graines de lin et l’huile de lin, l’huile de colza(2), les noix,…), l’EPA (EïcosaPentaénoïque Acide) et le DHA (DocosaHexaénoïque Acide), tous deux issus de l’allongement de l’acide alpha-linolénique par nos enzymes hépatiques (élongases et désaturases).
On appelle « Omégas 6 », l’acide alpha-linoléique et son métabolite actif l’acide arachidonique, issu de l’allongement de celui-ci par les mêmes enzymes hépatiques.
Chacune de ces molécules a des rôles précis.
L’acide alpha-linoléique joue un rôle majeur en tant que constituant des membranes cellulaires.
L’acide alpha-linolénique donne la « matière première » pour la synthèse du cholestérol cérébral (le cholestérol est une molécule trop grosse pour franchir la barrière hémato-méningée, il doit être synthétisé de novo dans le cerveau).
L’acide arachidonique est un des constituants des membranes cellulaires, mais il est également le précurseurs de molécules qui favorisent l’inflammation, la coagulation, la vasoconstriction, la prise alimentaire de graisses, la multiplication des cellules graisseuses et l’inhibition de la dégradation des graisses.
L’EPA se trouve également dans les membranes cellulaires et est l’origine de molécules qui ont, globalement, les effets inverses de celles issues de l’acide arachidonique.
Le DHA, comme les autres Omégas 6 et 3, est un constituant des membranes cellulaires. Il est particulièrement abondant dans la rétine et le cerveau (d’où son autre nom d’acide cervonique). Le DHA est, de plus, à l’origine de dérivés neuroprotecteurs.
Ces caractéristiques éclairent les effets observés de l’EPA et du DHA.
Un taux adéquat d’EPA et DHA prévient les maladies cardio-vasculaires et les maladies inflammatoires (maladies articulaires, Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge, Dépression, Neurodégénérescence…), l’obésité, l’insulino-résistance.
Un niveau sanguin suffisant en EPA est susceptible de prévenir la dépression. Des doses d’EPA de 1g/j permettent de traiter la dépression (ce qui n’est pas le cas du DHA (3)).
Chez les individus sains, comme chez les malades psychiatriques, un apport adéquat d’EPA et de DHA permet de diminuer l’agressivité et de mieux réagir au stress.
Un taux sanguin de DHA élevé chez la femme enceinte prévient les troubles du développement psychomoteur de l’enfant à naître (autisme, hyperactivité, dépression, troubles bipolaires, schizophrénie, agressivité). « En fin de grossesse, le futur enfant accumule chaque semaine dans son cerveau environ 70mg d’acide gras omégas-6 (aux 9/10 sous forme d’acide arachidonique) et 30mg d’omégas-3 (aux 9/10 sous forme d’acide cervonique (DHA)).»(4) Si la mère n’a pas une réserve et ds apports alimentaires suffisants en DHA, le cerveau de l’enfant risque de souffrir et la mère de présenter une dépression du post-partum (n’ayant plus elle-même d’omégas 3 en quantité suffisante pour ses besoin).
De même, le DHA semble prévenir le déclin cognitif des personnes âgées(5). Par ailleurs, des études font état d’une possible relation entre apport excessif d’Omégas 6 par rapport aux Omégas 3 et augmentation du cancer du sein et de la prostate. Les Omégas 3 pourraient diminuer la fréquence des métastases du cancer du sein.(6)
L’EPA et le DHA proviennent de deux sources distinctes : synthétisés à partir de l’acide alpha-linolénique alimentaire (noix, huile de lin, de colza, de noix(7),…) ou apportés directement par l’alimentation (œufs de poules qui ont mangé du lin (Filière Bleu-Blanc-Cœur)(8), poissons gras (harengs, maquereaux, anchois, sardines,…), produits d’animaux nourris en partie au lin).
Le « rendement » de la transformation de l’acide alpha-linolénique est extrêmement faible (contrairement à celui de la transformation de l’acide alpha-linoléique en acide arachidonique). Il est, selon les auteurs en moyenne autour de 5%9 pour l’EPA, tandis qu’il est extrêmement faible, voire insignifiant pour le DHA (dernière étape de la transformation), particulièrement chez les sujets de plus de 65 ans, en cas de stress ou d’alimentation surchargée en omégas 6 (produits animaux actuels, dont laitages) ou graisses trans qui requièrent les mêmes enzymes.
En tout état de cause, les capacités de synthèse endogène du DHA sont insuffisantes par rapport aux besoins. Par ailleurs, augmenter les apports alimentaires en acide alpha-linolénique de 2g (apport nutritionnel quotidien conseillé) à 15 g/jr ne permet pas d’élever la concentration circulante en DHA et provoque, au contraire, l’accumulation de l’EPA et d’un métabolite intermédiaire (10).
Les allégations « riche en omégas 3 » des produits végétaux est donc trompeuse car elle signifie simplement « riche en acide alpha-linolénique », lequel se transforme modérément en EPA et quasiment pas en DHA. Il est absolument indispensable d’avoir des apports en DHA. Les apports journaliers conseillés sont de 250mg pour un adulte ; il est conseillé de les augmenter en cas de grossesse. Si l’on n’a pas d’apports alimentaires en DHA, il est nécessaire de prendre des compléments alimentaires (11).
L’Anses ne donne pas d’apport nutritionnel conseillé pour l’EPA, étant donné qu’un apport alimentaire d’acide alpha-linolénique au minimum de 2g/jr semble pouvoir en procurer une quantité adéquate. D’autres instances conseillent 250mg par jour d’EPA (12) (ce qui peut être obtenu en consommant environ 4g d’acide alpha-linolénique).
L’alimentation des français est carencée en Omégas 3 (13).
La supplémentation est d’un maniement complexe. Les dernières études montrent que l’EPA seul (et non en association avec le DHA) diminue les événements coronariens mais que l’EPA augmente le risque de fibrillation auriculaire, trouble du rythme fréquent qui multiplie par cinq le risque d’AVC.
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1 Le livre Tous gros demain ?, de Pierre Weill (Plon, 2007) est entièrement consacré à la question des omégas 3 et permet de rentrer dans cet univers avec plaisir et d’avoir des données précises et approfondies (l’auteur est chercheur et agronome, promoteur de la filière Bleu-Blanc-Cœur qui développe la culture du lin). Le Manuel pratique de nutrition de Jacques Médart, De Bœck 2005, expose très clairement les notions fondamentales sur ce sujet (comme sur les autres thèmes de la nutrition). Le rapport d’expertise collective de l’Anses de mai 2011, « Actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras » (disponible gratuitement sur : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2006sa0359Ra.pdf) donne, de la page 19 à 105, une synthèse remarquable de toutes les publications sur le sujet à la date de l’étude. Pour connaître les publications postérieures à ce travail, vous pouvez vous rendre sur le site étasunien de publications médicales « Pubmed » et rentrer les mots clés omégas 3, EPA, DHA, Long chain PUFA (Poly Unsaturated Fatty Acid), seuls ou associés à cardiovascular patholgy, depression, …
2 Les graisses insaturées sont très sensibles à l’oxydation par l’air et la lumière. La consommation de graisses oxydées entraîne à son tour l’oxydation des graisses de l’organisme. Il est impératif de conserver ces huiles au frais, à l’abri de l’air et de la lumière. Elles sont également très sensibles à la chaleur. L’Huile de lin et l’huile de noix ne doivent pas être chauffées. L’huile de colza et d’olive peuvent l’être modérément, de préférence en y associant de fins morceaux d’échalotte ou d’oignons qui ralentissent l’oxydation (Médart p.107, Morelle J, L’oxydation des aliments et la santé, FX de Guibert, 2003).
3 Hallahan B,Ryan T,Hibbeln JR,Murray IT,Glynn S,Ramsden CE, SanGiovanni JP, Davis JM, Efficacy of omega-3 highly unsaturated fatty acids in the treatment of depression, Br J Psychiatry.2016 Apr 21
4 Bourre JM, La nouvelle diététique du cerveau, Odile Jacob, 2006, p.161
5 Rapport de l’Anses mai 2011 ; Beneficial effects of dietary docosahexaenoic acid intervention on cognitive function and mental health of the oldest elderly in Japanese care facilities and nursing homes, Hashimoto M, Kato S, Tanabe Y, Katakura M, Mamun AA, Ohno M, Hossain S, Onoda K, Yamaguchi S, Shido O, Geriatr Gerontol Int. 2016 Jan
6 Médart J, p 102 s
7 L’huile de noix apporte 10,8g/100g, l’huile de colza 8,24, les noix séchées 8,09, l’huile de soja 8,03 (Table Ciqual)
8 Deux gros œufs (50g chacun) apportent 1,5g d’EPA+DHA (Médart J, p.105) (uniquement dans le jaune d’œuf ; à consommer plutôt cru ou peu cuit)
9 Anses 2011, p.31
10 Id p.30
11 Hormis les compléments issus d’huiles de poisson, il existe des compléments à base d’huile d’algues qui synthétisent du DHA. Ce DHA a un effet cardio-protecteur attesté par diverses études (A Meta-Analysis Shows That Docosahexaenoic Acid from Algal Oil Reduces Serum Triglycerides and Increases HDL-Cholesterol and LDL-Cholesterol in Persons without Coronary Heart Disease.Adam M. Bernstein,Eric L. Ding,Walter C. Willett, and Eric B. Rimm. J Nutr.2012 Jan.). Il peut être rétroconverti en EPA mais ce taux ne dépasse pas 12% (Supplementation with an algae source of docosahexaenoic acid increases (n-3) fatty acid status and alters selected risk factors for heart disease in vegetarian subjects,Conquer JA,Holub BJ,J Nutr.1996 Dec;126).
12 Comme le GOED (Global organization for EPA and DHA Omega-3S)(http://www.nutraingredients-usa.com/Research/GOED-recommends-500-mg-of-Omega-3-daily)
13 Id, p.165