Inflammation
L’inflammation est l’ensemble des mécanismes de défense par lesquels l’organisme reconnaît, détruit et élimine toutes les substances qui lui sont étrangères. L’inflammation se déclenche suite à une agression interne (infection, cancer,…) ou externe (choc, blessure,…). Elle favorise la circulation des cellules immunitaires vers leur cible et la cicatrisation1.
Cependant, l’inflammation peut dépasser ses buts et abîmer les tissus.
Elle peut aussi se maintenir dans la durée à bas bruit (sans symptômes facilement visibles). On parle alors d’inflammation « de bas grade ».
Cette inflammation de bas grade fait le lit de nombreuses maladies :
- Maladies cardiovasculaires
- Asthme
- Cancer
- Maladies auto-immunes
- Maladies articulaires et tendineuses ; amplification des réactions inflammatoires liées à des agressions réelles (tendinite sévère pour des traumatismes mineurs, douleurs sciatiques pour une compression radiculaire minime,…).
- Douleurs musculo-articulaires multiples
- Diabète de type II
- Obésité
- Syndrome de l’intestin irritable
- Maladie d’Alzheimer
En psychiatrie, l’inflammation de bas grade est fréquente.
Elle concernerait entre 30% et 40% des pathologies psychiatriques.
Les patients schizophrènes présentant une inflammation sont plus à risque d’avoir des symptômes positifs, négatifs et des troubles cognitifs.
Les patients dépressifs présentant une inflammation sont plus à risque de suicide.
L’inflammation perturbe l’équilibre psychique par différents mécanismes :
- Stimulation de l’axe du stress (hypersécrétion de CRH)
- Diminution du taux des neuromédiateurs dans le cerveau :
- Sérotonine : l’inflammation détourne son précurseur issu de l’alimentation, le Tryptophane, vers la synthèse d’une molécule excitatrice et neurotoxique (l’acide quinolinique ; par la voie de la kinuréine). Le cerveau n’a plus assez de ‘matière première’ pour fabriquer la Sérotonine, ce qui entraîne la dépression.
- L’inflammation diminue également la concentration d’un cofacteur nécessaire à la synthèse de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline (le tétrahydrobioptérine)).
- Dopamine : l’inflammation diminue la synthèse de la Dopamine et sa libération dans la fente synaptique (voir p.ex Capron l, 2012). ceci diminue notamment l’efficacité du circuit de la récompense (Eisenberg N, 2010).
- la Sérotonine et la Noradrénaline, diminuent leur libération dans la fente synaptique et augmente ntleur recapture, ce qui diminue leur taux sanguin dans la fente synaptique (voir ici).
- Augmentation du Glutamate (neurotransmetteur potentiellement toxique) : l’inflammation augmente le taux de Glutamate entre les neurones et dans l’environnement des neurones (la glie) chargé de les protéger, ce qui détériore l’état des neurones et des cellules glaires (voir p.ex Haaron E, 2017).
- L’inflammation diminue aussi la plasticité synaptique en diminuant le taux de certains facteurs de croissance et la neurogenèse. (voir également ici).
Les dépressions liées à l’inflammation ont des caractéristiques particulières
Les dépressions résistantes (30% des dépressions) seraient liées à l’inflammation.
L’inflammation concerne surtout deux circuits neuronaux, l’un source d’anxiété et l’autre source d’anhédonie (manque de plaisir et de motivation) et de ralentissement. Ce deuxième circuit, est le plus affecté par l’inflammation et donne une dépression de type « dopaminergique ». Le traitement devrait donc être centré sur les médicaments qui augmentent le tonus dopaminergiques (Bupropion, Pramipexole, IMAO, Aripiprazole, Méthylphénidate), associé à toutes les mesures anti-inflammatoires (voie ci-dessous).
Les traitements dopaminergiques sont surtout efficaces dans les dépressions dopaminergiques lorsqu’elles sont associées à une inflammation (CRP >2mg/l, voir infra) : Bekhbat M, 2022.
Le diagnostic d’inflammation de bas grade repose sur des dosages sanguins.
Certains tests utiles sont coûteux et non remboursés par la Sécurité Sociale (rapport Omégas 6/ Omégas 3 ; dosages de l’IL-6, IL-1, TNF alpha ; dosage de l’orosomucoïde et de l’haptoglobine).
Cependant, la prise de sang habituelle peut donner une indication très précise, notamment la numération formule sanguine (hyper-plaquettose) et la C Reactiv Protein ultra-sensible. La seule cause d’augmentation de la CRP (protéine synthétisée par le foie) est l’inflammation. Récemment, une étude a montré qu’un taux de CRP us supérieur à 1mg/l devait être considéré comme un signe d’inflammation dans le cas de la schizophrénie. Au-delà de 3mg/l, s’il n’y a pas d’autre cause d’inflammation en cours (infection, inflammation aiguë, blessure, …), on peut affirmer que l’inflammation de bas grade est importante.
Les facteurs favorisant l’inflammation de bas grade sont les suivants :
* Facteurs non modifiables : facteurs génétiques ; infection virale pendant la grossesse ou durant le reste de la vie (Toxoplasmose, CMV, Sars Cov2,…) ; maltraitance pendant l’enfance ; vieillissement
* Facteurs modifiables :
- Consommation de tabac et d’alcool, de cannabis,…
- Consommation d’aliments ultra-transformés
- Surconsommation de sucre
- Alimentation pauvre en omégas 3, vitamine D, fruits et légumes
- Mauvais sommeil
- Stress (le stress, entre autres mécanismes créerait une perméabilité de la barrière qui protège le cerveau (« hémato-méningée »), ce qui laisserait passer des facteurs inflammatoires (Ménard C, 2017).
- Sédentarité
- Surpoids
- Syndrome métabolique
- Dysbiose
- Foyer dentaire infectieux
Le traitement et la prévention reposent sur les mesures suivantes :
- Arrêter le tabac, l’alcool, le cannabis,…
- Arrêter ou diminuer fortement la consommation d’aliments ultratransformés
- Diminuer fortement la consommation de sucre
- Augmenter les apports en fibres alimentaires
- Augmenter les apports alimentaires en Omégas 3, Vitamine D, fruits et légumes
- Soigner son sommeil, viser de dormir 8h00 par nuit pour la plupart des personnes
- Gérer le stress
- Faire de l’exercice physique
- Perdre du poids raisonnablement
- Soigner le syndrome métabolique
- Traiter la dysbiose
- Pratiquer si possible le jeûne intermittent
- Consulter son dentiste au moins une fois par an
Les médicaments anti-inflammatoires sont les corticoïdes qui peuvent occasionner de nombreux effets secondaires (dont le déclenchement de dépressions et d’états maniaques) et les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens de maniement délicat. Les études sur les anti-inflammatoires dans la dépression sont décevant.
Des anticorps monoclonaux dirigés contre des médiateurs de l’inflammation sont proposés dans la plupart des maladies inflammatoires. Ils sont à l’étude concernant la psychiatrie, notamment les anticorps monoclonaux anti-interleukine 6. ils ne sont pas dénués d’effets secondaires. Les études sur l’Infliximab (anticorps monoclonal contre le TNF alpha, un médiateur de l’inflammation) a montré une efficacité supérieure au placébo uniquement chez les patients ayant une CRP > 5mg/L et uniquement sur certains symptômes (anxiété, ralentissement, idées suicidaires, inactivité).
La Naltrexone à Faibles Doses peut être intéressante.
1 Elle est due à des cellules spécifiques (lymphocytes, cellules phagocytaires (polynucléaires -principalement neutrophiles- et monocytes-macrophages), mastocytes et polynucléaires basophiles, fibroblastes.) et des médiateurs chimiques(Histamine-Sérotonine (vasodilatation, perméabilité vasculaire), Prostaglandines et Leucotriènes, synthétisés à partir de l’acide arachidonique (omégas6) (vasodilatation, douleur, attraction des polynucléaires, fièvre) ; cytokines, peptides ou protéines produites notamment par les lymphocytes et macrophages : les InterLeukine 1, InterLeukine 6, InterLeukine 18 et TNFalpha sont pro-inflammatoires (stimulent l’immunité naturelle, régulent la croissance et différenciation des lymphocytes, stimulent l’hématopoïèse)).