Principes du traitement médicamenteux
Dès que le diagnostic de Trouble Bipolaire est réalisé, il faut penser « régulateurs de l’humeur ».
Plusieurs médicaments régulant l’humeur, c’est-à-dire capable de ramener l’humeur à un niveau normal et de l’y maintenir, sont disponibles en France. En voici une brève présentation. Pour plus de précisions et pour bien gérer les effets secondaires éventuels, voir la fiche correspondant à chaque médicament.
Lithium : médicament très efficace, anti-suicidaire, neuro-protecteur (prévention de l’Alzheimer),
Médicaments initialement anti-convulsivants :
– Valproate (sous forme de Valproate (Dépakine), Divalproate (Dépakote), Valpromide (Dépamide)) : intéressant sur la manie et sur la dépression, a en plus un effet sur l’irritabilité; occasionne beaucoup de malformations chez le fœtus : est contre-indiqué pendant la grossesse et autorisé chez les femmes en âge de procréer uniquement s’il n’y a pas d’autre traitement possible.
– Lamotrigine (Lamictal) : médicament très efficace sur les récurrences dépressives ; ne fait pas prendre de poids, n’est pas sédatif ; nécessite une mise en place progressive pour éviter le risque d’allergie cutanée ; peut parfois être stimulant voire pro-maniaque (utiliser la plus faible dose possible, parfois 75 mg suffisent ; diminuer la dose en cas de virage maniaque ou hypomaniaque).
– Carbamazépine (Tégrétol) : médicament de deuxième ligne mais peut être une vraie ressource ; il nécessite une surveillance de la formule sanguin, est allergisant pour la peau et crée beaucoup d’interactions médicamenteuses.
Neuroleptiques atypiques :
– Quétiapine (Xéroquel) : intéressant à la fois sur les dépressions et les (hypo-)manies mais peut être sédatif et faire prendre du poids.
– Olanzapine (Zyprexa) : surtout utile pour les manies ; intéressant également en association à la Fluoxétine (Prozac).
– Aripiprazole (Abilify) : intéressant pour les manies et peut être anxiolytique.
Ces médicaments n’ont pas le même niveau de preuve de leur efficacité et n’ont pas les mêmes indications.
Voici un bref résumé des principales recommandations internationales 2018 de la CANMAT (CANadian Network for Mood and Anxiety Treatments) et de l’ISBD (International Society for Bipolar Disorders), avec les indications de niveau de preuve.
Traitement du Trouble Bipolaire de type I :
Manie :
Lithium ou Quétiapine ou Divalproate ou Aripiprazole ou Rispéridone (tous de niveau 1)
Dépression du Trouble Bipolaire I :
- Quétiapine (niveau 1)
- Lithium (niveau 2)
- Lamotrigine (niveau 2)
Maintenance, en première ligne :
- Lithium (niveau 1)
- Quétiapine (niveau 1)
- Divalproate (niveau 2 pour la prévention de la dépression et niveau 3 pour la prévention de la manie)
- Quétiapine + Lithium ou Divalproate (niveau 1)
- Aripiprazole + Lithium ou Divalpraote (niveau 2)
Maintenance, en seconde ligne :
- Olanzapine (niveau 1)
- Carbamazépine (niveau 2)
- Olanzapine + Lithium ou Divalproate (niveau 4)
Traitement du Trouble Bipolaire de type II :
Dépression du Trouble Bipolaire II :
- Quétiapine (niveau 1)
- Lithium (niveau 2)
- Lamotrigine (niveau 2)
Maintenance du Trouble Bipolaire II :
Première ligne :
- Quétiapine (niveau 1)
- Lithium (niveau 2)
- Lamotrigine (niveau 2)
Deuxième ligne :
- Carbamazépine (niveau 3)
- Divalproate (niveau 3)
Le Modafinil (Modiodal), le Pramipexol (Sifrol) sont admis comme traitements de troisième ligne de la dépression dans le Trouble Bipolaire I (niveau 2 pour le Modafinil et niveau 3 pour le Pramipexol).
La Gabapentine (Neurontin) est admise comme adjuvant dans le traitement de maintenance du trouble Bipolaire I (niveau 4).
L’Électro-Convulsivo-Thérapie (ECT) est indiquée dans le traitement aigu de la dépression et la prévention des manies et dépression (niveau 4). En pratique, ce traitement est très utile pour les dépressions résistantes et les Troubles Bipolaires rebelles aux traitement. Les ECT sont parfois le seul traitement efficace.
La rTMS (Repetitiv TransMagnetic Stimation) est indiquée comme adjuvant dans le traitement de la dépression du Trouble Bipolaire I (niveau 2).
La privation de sommeil, associée à la luminothérapie peut être un adjuvant dans le traitement de la dépression du Trouble Bipolaire I (niveau 2).
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Remarques sur les associations de régulateurs de l’humeur :
Les recommandations de la CANMAT préconisent les associations :
- Lithium + Quétiapine
- Divalproate + Quétiapine
- Lithium + Aripiprazole
- Divalproate + Aripiprazole
- Lithium + Olanzapine
- Divalproate + Olanzapine
L’association Lithium + Lamotrigine n’est pas mentionnée par ces recommandations. Elle a, pourtant, un grand intérêt dans les Troubles Bipolaires II sévères avec prédominance dépressive. Elle est également très intéressante dans les troubles Bipolaires I « vieillissants », dans lesquels la part de dépression a tendance à s’accroître mais où un risque de virage maniaque est toujours à craindre. La Lamotrigine contrôle les rechutes dépressives ; le Lithium synergise cette effet de prévention des dépressions et prévient les dérapages maniaques.
L’association Lithium + Valproate n’est plus mentionnée dans les recommandations de la CANMAT mais elle garde un intérêt dans certaines situations, notamment dans les cycles rapides et les États Mixtes.
Dans certains cas particulièrement difficiles à équilibrer, on peut être amené à utiliser trois régulateurs de l’humeur (par exemple Lithium + Olanzapine + Lamotrigine).
Les associations suivantes sont à éviter :
– L’association Lithium + Tégrétol provoque un risque de neurotoxicité se manifestant par des troubles cérébelleux, confusion, somnolence, ataxie. Ces troubles sont réversibles à l’arrêt du traitement par le lithium.
– L’association Lamotrigine + Valproate augmente les concentrations de Lamotrigine, ce qui augmente le risque de réaction cutanée grave. Lorsque l’on arrête le Valproate pour le remplacer par la Lamotrigine, il faut attendre au moins quatre jours avant de commencer la Lamotrigine.
L’association Lamotrigine + Carbamazépine est parfois pratiquée en neurologie mais elle peut provoquer un risque d’augmentation des effets neurologiques (vertiges, ataxie, diplopie) de la Carbamazépine lors de l’introduction de la Lamotrigine. Il faut alors réaliser une surveillance clinique et réduire éventuelle de la posologie de la Carbamazépine. Le risque de réactions cutanées graves (syndrome de Lyell) est également augmenté.
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Les antidépresseurs peuvent être utiles mais ne doivent pas être prescrits seuls, sans être associés à un régulateur de l’humeur, car ils risquent de déclencher des états (hypo-)maniques, de déstabiliser l’humeur, voire de déclencher des passages à l’acte suicidaire.
Parmi les antidépresseurs, il faut éviter les antidépresseurs tricycliques (Clomipramine (ANAFRANIL),…) et dans la mesure du possible les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (Venlafaxine (EFFEXOR), réputés plus déstabilisateurs de l’humeur).